Modification des règles de sécurité sociale applicables aux travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union Européenne pour l’exercice de leur activité professionnelle


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A l’issue d’une longue période de négociations, le Conseil des Ministres européen a approuvé en septembre 2009 le nouveau règlement 883/04 ainsi que le nouveau règlement qui fixe les modalités d’application. Cette nouvelle législation européenne qui entre en vigueur le 1er mai 2010 et qui remplace le règlement 1408/71, a des incidences importantes sur le régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs qui exercent leur activité dans plusieurs Etats membres ou qui sont détachés à l’étranger régulièrement. 

A qui s’applique ce nouveau règlement?

Le nouveau règlement est applicable à tous les ressortissants de l’UE qui sont assujettis au régime de sécurité sociale d’un Etat membre. Il s’ensuit que les règles coordonnées protègent aussi bien les personnes non-actives que les travailleurs salariés, les travailleurs indépendants, les fonctionnaires, les étudiants et les pensionnés.

Quelles sont les prestations de sécurité sociale visées?

Les dispositions de ce nouveau règlement sont applicables aux secteurs traditionnels de la sécurité sociale : maladie, maternité, accidents de travail, maladies professionnelles, prestations d’invalidité, allocations de chômage, allocations familiales, pensions et les allocations de décès. Le rayon d’action a été élargi aux régimes légaux de sortie anticipée et aux indemnités de paternité. 

Comment se détermine la législation applicable?

Pour les travailleurs salariés, le principe général de ‘lex loci laboris’ s’applique. Cela signifie que la législation applicable est celle de l’Etat membre où l’activité salariée est effectuée.

Exemple

Le travailleur belge qui travaille exclusivement aux Pays Bas sera soumis à la sécurité sociale des Pays-Bas, tant pour les allocations que pour les prestations.

Ce principe fait l’objet de quelques exceptions: les fonctionnaires (législation de leur administration), les marins (en principe la législation de l’Etat membre dont le navire bat pavillon) et les personnes non actives (l’Etat membre de résidence). Le règlement 883/2004 précise également la situation des travailleurs frontaliers au chômage. Pour ces derniers, c’est incontestablement la législation de l’état de résidence qui est applicable. A ce sujet, c’est surtout avec l’Allemagne qu’il y avait des points de désaccord.

Exemple

Un citoyen belge effectue ses prestations en Allemagne et rentre chaque soir en Belgique. Si ce travailleur devenait chômeur, la Belgique serait non seulement compétente pour les prestations de chômage mais également pour l’ensemble des branches de la sécurité sociale applicables.

Les règles de détachement sont-elles modifiées?

En cas de détachement, c’est le régime de sécurité sociale de l’Etat d’envoi du travailleur qui reste en principe d’application lors de sa mission temporaire à l’étranger. En d’autres mots, le travailleur bénéficie d’une dispense dans l’Etat de travail temporaire.

Alors que l’ancien Règlement 1408/71 prévoyait une durée de détachement initiale de douze mois, laquelle pouvait être éventuellement prolongée pour une même durée, cette durée est à présent portée à 24 mois (non renouvelable). Cela signifie que pour une demande de détachement de 24 mois, l’intervention des autorités compétentes du pays de travail n’est plus exigée. Il sera ainsi possible de traiter plus rapidement une demande de détachement. Le nouveau règlement supprime également le formulaire E 102.

Une durée de détachement autre que la durée maximale de 24 mois est cependant toujours possible. Comme auparavant, l’accord mutuel des deux Etats membres concernés sera nécessaire. La demande d’une telle durée sera introduite de préférence préalablement auprès des autorités de l’Etat membre dont le travailleur souhaite l’application du régime de sécurité sociale.

Les conditions du détachement sont, grosso modo, maintenues mais elles ont été rendues plus claires.

En marge de ce qui précède, précisons également que les obligations de détachement à respecter par les travailleurs indépendants ont été rendues plus sévères que celles qui ressortent de la jurisprudence de la Cour de Justice. Ainsi, le travailleur indépendant détaché doit avoir effectué ses activités pendant quelque temps avant le détachement. Il doit également continuer à remplir les conditions de l’Etat d’envoi qui régissent l’exécution de son activité professionnelle, afin qu’il puisse reprendre ses activités à son retour.

Les formalités de l’application GOTOT changent-elles?

Comme signalé, le formulaire E 102 disparaît. Quant au formulaire E 101, il subit une métamorphose. Il sera fait usage d’un formulaire A1 (législation applicable - 1), beaucoup plus facile à l’emploi. Il n’est pas certain que GOTOT sera déjà adapté au 1er mai 2010 (date de l’entrée en vigueur du règlement 883/2004). Si son adaptation se faisait attendre, l’ancien formulaire E 101 pourra encore être utilisé.

En outre, il sera fait appel aux techniques du traitement de l’information pour mettre en place un système d’échange d’information fondé sur une plate-forme européenne. A terme, les déclarations sur support papier seront remplacées par un système d’échange de documents par voie électronique. Il reste toutefois un long chemin à parcourir en ce domaine.

Les déclarations E 101 qui ont été délivrées avant le 1er mai 2010 restent valables jusqu’à la date d’échéance, même si celle-ci se situe au-delà du 1er mai 2010, à condition bien sûr que les conditions d’occupation restent les mêmes. Les périodes de détachement accordées seront, par contre, prises en considération pour les nouvelles règles.

Exemple:

Période de détachement du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010: E 101

Prolongation possible du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011: A1

Par conséquent, pour la période de prolongation, un nouveau terme de 24 mois ne prend pas cours et ce, bien qu’un formulaire A1 ait été délivré.

Y a-t-il des modifications aux règles applicables aux occupations simultanées dans plusieurs Etats membres ?

Le travailleur qui exerce habituellement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres, est soumis à la législation de l’Etat membre dans lequel il réside s'il travaille pour plusieurs employeurs dont le siège est établi sur le territoire de différents Etats membres.

Le travailleur qui est occupé dans différents Etats membre par un ou plusieurs employeurs établis dans le même Etat membre, sera soumis au principe de l’Etat de résidence si deux conditions sont simultanément remplies :

-        les activités doivent être effectuées partiellement dans l’état de résidence ;

-        il doit s’agir d’une partie substantielle.

Si ces conditions ne sont pas réunies, l’Etat compétent sera celui où est établi le siège de(s) (l’)employeur(s).

La condition de la part substantielle est une nouvelle condition, détaillée par le Règlement d’application 987/2009. Une quote-part de 25% ou plus du temps de travail et/ou de la rémunération doit être générée dans l’Etat de résidence et ce pendant les douze mois calendaires suivants. Notez que le Règlement fait état de la notion d’‘indication’: il n’est donc pas exclu que d’autres éléments soient pris en considération.

Exemple 1:

Un travailleur qui réside aux Pays Bas et travaille en Belgique souhaite effectuer, à partir du 1er juillet, du télétravail un jour par semaine à partir de son domicile. Dans le cadre de l’ancien règlement 1408/71, cela aurait eu pour conséquence que le régime de sécurité sociale applicable soit celui des Pays Bas. Il n’en sera plus ainsi dans le cadre du nouveau règlement. La sécurité sociale belge demeurera applicable puisqu’un jour par semaine représente moins de 25% de son temps de travail.

Exemple 2:

Un travailleur qui habite au Pays Bas, est occupé pendant quatre jours en Belgique par un employeur belge et pendant un jour il travaille pour un employeur néerlandais. L’Etat compétent sera les Pays Bas. En effet, la condition d’occupation substantielle n’est pas d’application quand il est question de plusieurs employeurs dont les sièges se situent dans différents pays.

Exemple 3:

Un travailleur qui habite aux Pays Bas est occupé pendant quatre jours par semaine en Belgique par un employeur belge. Pendant un jour par semaine il travaille aux Pays Bas pour le compte d’un autre employeur belge. Dans ce cas, il sera requis, en vertu du nouveau Règlement 883/2004 qu’une partie substantielle des activités soit effectuée dans l’Etat de résidence. Il n’en est pas ainsi dans l’exemple et l’Etat membre compétent sera donc la Belgique.

Quid d’une personne ayant le statut de travailleur salarié dans un Etat membre et de travailleur indépendant dans un autre?

La personne qui jouit du statut de travailleur salarié dans un Etat membre donné et exerce dans un autre Etat membre des activités indépendantes, pouvait donner lieu, en vertu de l’ancien Règlement 1408/71 à un assujettissement à deux régimes de sécurité sociale (les situations, dites Annexe VII).  Dans le cadre du nouveau règlement, il y aura toujours assujettissement à un seul régime de sécurité sociale, à savoir le régime qui est déjà applicable aux activités exercées à titre de salarié.

Les formalités sont-elles sujettes à modification en cas d’occupations simultanées dans plusieurs pays?

Les travailleurs qui sont occupés simultanément dans deux Etats membres doivent également être en possession d’un document E 101. Ce document ne pouvait pas être demandé par voie électronique. Pour l’obtenir il fallait remplir un questionnaire. Bien qu’une occupation simultanée ne soit pas soumise à des délais, ce document devait être renouvelé annuellement. Rien ne change à ce sujet. Par contre, ici aussi, un formulaire A1 sera délivré à la place du formulaire E 101.

Y a-t-il des changements pour les travailleurs occupés à des activités de transport international?

Le Règlement 1408/71 contenait des règles spécifiques pour les travailleurs occupés dans le secteur du transport international. Le nouveau Règlement 883/2004 a supprimé cette catégorie distincte de travailleur. Bien que des mesures transitoires aient été prises (voir ci-dessous), il n’est pas exclu que des problèmes surgissent dans ce domaine, surtout s’il s’avère impossible de prédire le trajet pendant les douze mois à venir. Des instructions plus précises émanant des autorités européennes devront éclaircir cette situation.

Quand le nouveau règlement entre-t-il en vigueur?

Le Règlement européen 883/2004 entre en vigueur le 1er mai 2010.

Une personne qui en vertu du nouveau règlement est soumise à la législation d’un autre Etat membre que celui dont il relevait en vertu de l’ancien Règlement 1408/71, demeure soumise à cette ‘ancienne’ législation tant que la situation concernée perdure et ce pendant une période maximum de 10 ans.

Il est toutefois possible pour le travailleur d’introduire une demande de soumission à la législation applicable en vertu du Règlement 883/2004. Cette demande lie l’employeur et est irrévocable. Il est donc sage de comparer les deux régimes avant d’introduire une telle demande, d’autant plus que cette demande peut être faite à n’importe quel moment pendant la période de 10 ans.

Depuis le 1er janvier 2011, les règles européennes de sécurité sociale telles que prévues dans le Règlement (CE) 883/2004 sont également applicables aux ressortissants de pays tiers qui se déplacent au sein de l'Union Européenne. Cette modification a été introduite par le Règlement (UE) n° 1231/2010 du 24 novembre 2010. Cette expansion des Ordonnances n° 883/2004 et 987/2009 n'est pas applicable pour le Royaume-Uni et le Danemark. L'ordonnance n° 1408/71 demeure applicable pour le Royaume-Uni pour les ressortissants de pays tiers. Pour le Danemark, la législation interne ou d'éventuels accords bilatéraux sont applicables.
Il importe également de noter que les dispositions du Règlement 1408/71 continueront à être applicables aux ressortissants de la Norvège, de l'Islande, du Liechtenstein et de la Suisse

 

Synthèse:

 

 

 

Règlement 1408/71

 

 

Règlement 883/2004

 

Règles de base

 

La législation de 1 Etat membre

Etat d’emploi travail (lex loci laboris)

 

 

La législation de 1 Etat membre

Etat de travail (lex loci laboris)

 

Exceptions aux règles de base

 

Les fonctionnaires et les personnes y assimilées (législation de l’administration qui les occupe)

 

 

Fonctionnaires (législation de l’administration qui les occupe)

 

Gens de mer (état dont le pavillon est utilisé ou état de résidence si le débiteur du salaire y réside également)

 

 

Gens de mer (état dont le pavillon est utilisé ou état de résidence si le débiteur du salaire y réside également)

 

 

Post-actifs (état de résidence)

 

 

Post-actifs (état de résidence)

 

 

 

Allocations de chômage en vigueur à l’état de résidence.

Etat de résidence compétant pour l’intégralité de la sécurité sociale (art. 11 Règl.. 883/2004)

 

 

Détachement

 

 

 

 

 

 

 

 

Qualification

 

 

 

Durée

 

 

 

 

 

Documents et formulaires

 

Travailleurs salariés (art. 14 §1)

Travailleurs indépendants (art. 14 bis §1)

Gens de mer (art. 14 ter § 1)

 

Travailleurs salariés (art. 12 §1)

Travailleurs indépendants (art. 12 bis §2)

Gens de mer (selon T.S ou T.I.)

 

Qualification selon le droit de sécurité sociale de l’état d’envoi. C’est l’état qui détache qui détermine s’il s’agit d’un TS ou d’un TI.

 

12 mois + prolongation de 12 mois moyennant accord de l’autre Etat membre (E102)

 

 

 

Déclaration E101

Déclaration E102

 

24 mois

 

 

 

 

 

Portable document A1 pour l’employeur et/ou le travailleur

 

 

 

 

Occupé comme salarié dans deux ou plusieurs Etats membre

 

Principe de l’état de résidence

 

  

 

Etre actif comme salarié et indépendant dans deux ou plusieurs états membre 

 

 

 

 

 

 Formalités 

 

 

 

 

Si les activités sont exercées en partie là-bas.

 

à Sinon état du siège de l’employeur

 

 

 

Si une partie substantielle des activités est exercée là-bas.

 

à Sinon état du siège de l’employeur

 

Etat membre compétent pour les activités comme salarié

Sauf si : législation partagée si l’Etat membre de l’activité comme travailleur indépendant est parmi ceux repris à l’annexe  VII (17 états membre, la Belgique incluse)

 

 

Etat membre compétent pour les activités salariées.

 

Formulaire E101

 

Document portable A1 pour l’employeur et/ou le travailleur

 

 

 

 

 

Transport International

 

Etat du siège

 

Etat membre de la succursale/de l’antenne permanente s’il est actif ici.

 

Etat de résidence s’il y exerce ses activité essentiellement. L’interprétation diffère d’un pays à l’autre.

 

 

Pas de règles spécifiques, autrement dit les règles ordinaires applicables aux travailleurs.

 

 

 

 

 

Article d’exception

 

Exceptions pour certaines personnes ou groupes (art. 17 Règl. 1408/71)

 

 

 

 

 

Exceptions pour certaines personnes ou groupes (art. 16 §1 Règl. 883/2004)

 

Si possible la demande doit être introduite au préalable par l’employeur ou l’intéressé auprès de l’institution de l’Etat membre dont il souhaite l’application de la législation (art. 18 Règle. 987/2009)

 

 

 

 

En tant qu’employeur, il est primordial de connaître la situation du travailleur (est-il actif dans plusieurs Etats membres ?) qui peut avoir d’énormes implications quant à la législation applicable. Il est donc vivement recommandé de prévoir dans le contrat de travail ou dans le règlement de travail des clauses qui obligent le travailleur à informer son employeur de toute modification intervenue dans son occupation.