Motivation du licenciement : la CCT n° 109 est signée !


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Les partenaires sociaux sont arrivés ce 10 février à un accord sur l'obligation de motivation du licenciement. Cet accord a fait l’objet de la CCT n° 109 signée ce 12 février au sein du Conseil National du Travail.

La CCT n° 9 introduit le droit pour le travailleur licencié de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement. Cela constitue certainement une innovation importante en matière de fin du contrat de travail.

Elle entre en vigueur le 1er avril 2014 pour les licenciements notifiés à partir de cette date.

Quelles sont les nouvelles obligation découlant de la CCT n° 109 ?

1.    Obligation de motiver le licenciement

1.1.        Principes et procédure

- Motivation à la demande du travailleur

Le travailleur qui est licencié a le droit d’être informé par son employeur sur les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement.

Le travailleur qui souhaite connaître ces motifs concrets doit adresser par lettre recommandée une demande à son employeur.

En cas de rupture immédiate du contrat de travail, cette demande doit être adressée dans un délai de 2 mois après que le contrat de travail a pris fin.

En cas de prestation d’un préavis, la demande doit être adressée dans un délai de 6 mois après la notification du congé par l’employeur, sans toutefois pouvoir dépasser 2 mois après la fin du contrat de travail.

Par jour de la notification du congé, on entend ici le jour où la notification du congé sort ses effet, soit le 3ième jour ouvrable suivant la date de l’expédition du préavis par lettre recommandée (ou le jour même en cas de notification du préavis par exploit d’huissier).

L’employeur dispose ensuite d’un délai de 2 mois à dater de la réception de la demande du travailleur pour lui communiquer par lettre recommandée les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement. Ce délai commence à courir le 3ième jour ouvrable après la date de l’envoi de la lettre recommandée du travailleur.

La lettre de l’employeur devra contenir tous les éléments qui permettront au travailleur de connaître les motifs concrets.

- Motivation à l’initiative de l’employeur

L’employeur peut également de sa propre initiative communiquer par écrit au travailleur les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement. En tel cas, il ne sera pas tenu de répondre à une demande de motivation qui serait introduite par la suite par le travailleur.

1.2.        Sanction

Si l’employeur ne communique pas les motifs concrets du licenciement au travailleur qui a introduit une demande à cet effet ou s’il les communique sans respecter les délais de la procédure, il lui sera redevable d’une amende civile forfaitaire correspondant à 2 semaines de rémunération.

L’amende ne s’appliquera toutefois pas si l’employeur a communiqué de sa propre initiative les motifs concrets qui ont conduit au licenciement.

Cette amende est cumulable avec l’amende pouvant s’appliquer en cas de licenciement « manifestement déraisonnable » (voir plus loin).

1.3.        Exceptions

L’employeur ne sera pas tenu de motiver le licenciement dans les cas suivants :

  • Lorsque le licenciement a lieu durant les 6 premiers mois d’occupation (des contrats antérieurs successifs à durée déterminée ou de travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur entrent en ligne de compte pour le calcul de ces 6 premiers mois) ;
  • Lorsque le travailleur est sous contrat de travail intérimaire ou sous contrat de travail d’étudiant ;
  • Lorsque le travailleur est licencié en vue du chômage avec complément d’entreprise (RCC) ;
  • Lorsque le travailleur est licencié dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel il atteint l’âge légal de la pension ;
  • Lorsque le licenciement est donné en raison d’une cessation définitive d’activité, d’une fermeture d’entreprise, dans le cadre d’un licenciement collectif ou dans le cadre d’un licenciement multiple tel que défini au niveau sectoriel ;
  • Lorsque l’employeur doit suivre une « procédure spéciale de licenciement » fixée par la loi ou par une convention collective de travail (cela vise par exemple la procédure qui doit être suivie pour le licenciement des candidats élus et non élus au sein du Conseil d’entreprise ou du CPPT ou encore pour le licenciement des conseillers en prévention) ;
  • En cas d’une rupture pour faute grave ;
  • Lorsque le travailleur est un ouvrier qui relève d’une Commission paritaire au sein de laquelle il est possible d’appliquer des délais de préavis réduits en vertu de la loi nouvelle loi sur le statut unique. Cela vise les Commissions paritaires suivantes : 109 (industrie de l’habillement et de la confection), 124 (construction), 126 (ameublement et industrie transformatrice du bois), 128.01 (tannerie et commerce de cuirs et de peaux bruts), 128.02 (industrie de la chaussure, bottiers et chausseurs) , 147 (armurerie à la main), 330.01 (port d’Anvers), 324 (industrie et commerce du diamant) et 330.03 (établissements de prothèses dentaires). Cette exception ne vaut cependant que jusqu’au 31/12/2015. Au-delà de cette date, seront encore concernées par cette exception uniquement les Commissions paritaires 124 et 126 mais seulement pour les ouvriers sans lieu de travail fixe et pour autant qu’ils exécutent certains travaux[1] sur des chantiers temporaires ou mobiles (voir notre Dossier sur le Statut unique).

2. Sanction en cas d’un « licenciement manifestement déraisonnable »

La CCT n° 109 entend par « licenciement manifestement déraisonnable » le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée, qui :

- se base sur des motifs :

    - qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ;

    - ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;

- et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.

En cas de licenciement « manifestement déraisonnable » répondant à cette définition, le travailleur pourra lancer une procédure devant les tribunaux.

Si l'employeur devait ne pas obtenir gain de cause, il pourrait être condamné au paiement d'une indemnisation de minimum 3 semaines et de maximum 17 semaines de rémunération. Le montant de l’indemnisation dépendra de la gradation du caractère manifestement déraisonnable du licenciement selon l’appréciation du juge saisi.

Cette sanction n’est pas applicable lorsqu’il existe une exception à l’obligation de motivation (voir plus haut).

Elle n’est pas cumulable avec une autre indemnité qui serait due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’une indemnité d’éviction ou d’une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales.

Au cours de la procédure judiciaire, la charge de la preuve entre l’employeur et le travailleur est réglée de la manière suivante :

  • si l’employeur a communiqué les motifs du licenciement conformément à la procédure prévue dans la CCT n° 109, chaque partie assumera la charge de la preuve des faits qu’elle allègue ;
  • si l’employeur n’a pas communiqué les motifs du licenciement conformément à cette procédure, il reviendra à l’employeur de démontrer que ce licenciement n’est pas manifestement déraisonnable ;
  • si le travailleur n’a pas introduit auprès de son employeur de demande visant à connaître les motifs de son licenciement, c’est au travailleur qu’il reviendra de fournir la preuve d’éléments indiquant le caractère manifestement déraisonnable du licenciement.

3. Sanction en cas de « licenciement abusif » d’un ouvrier relevant de certains secteurs

A la suite de la nouvelle obligation de motivation du licenciement inscrite dans la CCT n° 109, l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relatif au licenciement abusif, existant aujourd’hui uniquement pour les ouvriers, cessera de s’appliquer à partir du 1er avril 2014.

Néanmoins, la notion de licenciement abusif restera maintenue pour les ouvriers relevant des secteurs pour lesquels il existe une exception à l’obligation de motivation.

La notion de licenciement abusif restera par conséquent d’application jusqu’au 31/12/2015 aux ouvriers licenciés qui relèvent des Commissions paritaires suivantes : 109 (Industrie de l’habillement et de la confection), 124 (Construction), 126 (ameublement et industrie transformatrice du bois), 128.01 (tannerie et commerce de cuirs et de peaux bruts), 128.02 (Industrie de la chaussure, bottiers et chausseurs) , 147 (armurerie à la main), 330.01 (Port d’Anvers), 324 (Industrie et commerce du diamant), 311 (grandes entreprises de vente au détail) et 330.03 (Etablissements de prothèses dentaires).

Au-delà de cette date, cela concernera encore les ouvriers des Commissions paritaires 124 et 126 mais seulement les ouvriers sans lieu de travail fixe et pour autant qu’ils exécutent certains travaux sur des chantiers temporaires ou mobiles (voir plus haut) et cela jusqu'au 31 décembre 2017.

Par « licenciement abusif », on entend le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée pour des motifs :

- qui  n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ;

- ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.

En cas de contestation par le travailleur, la charge de la preuve reposera ici uniquement sur l’employeur. Il lui reviendra par conséquent de fournir la preuve des motifs invoqués pour le licenciement. A défaut, il sera tenu de payer au travailleur une indemnité correspondant à 6 mois de rémunération.

Quelles sont les mesures de précaution à prendre ?

Vu l’obligation de motivation du licenciement à partir du 1er avril 2014, les mesures de précaution suivantes devront être prises avant de notifier un licenciement à partir de cette date :

- s’assurer qu’il existe bien un motif ayant un lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou un motif fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;

- s’assurer qu’il existe suffisamment d’éléments probants permettant de démontrer la réalité de ces motifs.

A défaut, l’entreprise pourrait être exposée à devoir payer une indemnité de 3 à 17 semaines en raison d’un « licenciement manifestement déraisonnable », voire de 19 semaines au total si l’entreprise n’avait pas répondu à une demande de motivation du licenciement valablement introduite par le travailleur après son licenciement.

Dans les secteurs où la notion de « licenciement abusif » est encore d’application, la sanction pourrait être de 6 mois.


[1]. Travaux de construction, d’excavation, de terrassement, de fondation et de renforcement, hydrauliques, de voirie, agricoles, de montage et démontage, d’aménagement et d’équipement, de transformation, de rénovation, de réparation, de démantèlement, de démolition, de maintenance, d’entretien, de peinture et de nettoyage, d’assainissement, pose de conduits utilitaires et travaux de finition de ces différents travaux.