Obligations du travailleur malade : quelques précisions

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Les travailleurs malades coûtent chaque année plusieurs milliers d’euros aux employeurs belges. Pour autant qu’il remplisse certaines conditions, un travailleur malade a, en effet, droit pendant une période déterminée à un salaire garanti payé par son employeur. En contrepartie, l’employeur a le droit de faire constater la réelle incapacité du travailleur malade par un médecin-contrôleur.

1.       Les obligations du travailleur malade

1.1   Le travailleur malade doit avertir l’employeur de son incapacité

Quand ?

Le travailleur doit immédiatement avertir l’employeur de son incapacité, autrement dit dès qu’il en a la possibilité. On peut considérer que ce moment correspond au premier jour de l’incapacité de travail.

Comment ?

La forme de cette communication n’est pas définie légalement, mais l’employeur doit être mis clairement au courant que le travailleur sera absent suite à une maladie ou un accident (par téléphone, mail, lettre, etc.)

En cas de différend sur ce point, il revient au travailleur de prouver qu’il a bien averti l’employeur.

Sanction possible

Depuis 2014, la réglementation prévoit une sanction pour le travailleur qui ne prévient pas (ou tardivement) l’employeur de son incapacité : le travailleur perd son droit au salaire garanti pour les jours précédant la notification de son absence.

1.2   Le travailleur doit remettre un certificat médical à l’employeur

Quand est-ce obligatoire ?

Le travailleur est tenu de prouver son incapacité de travail à l’aide d’un certificat médical quand le règlement de travail ou une C.C.T. le prévoit ou si l’employeur le demande.

Le modèle de règlement de travail fourni par Group S contient une telle clause.

Si le règlement de travail ou une C.C.T. ne prévoit rien à ce sujet, l’employeur doit demander expressément au travailleur de lui fournir un certificat médical pour chaque absence.

Délai

Le travailleur doit remettre son certificat médical dans les deux jours ouvrables après le début de son incapacité ou après le jour de réception de la demande de l’employeur. Ce délai peut être prolongé par une C.C.T. ou par une clause du règlement de travail. Dans tous les cas, ce délai ne peut être inférieur à deux jours ouvrables. En cas d’envoi par la poste, le cachet de la poste fait foi.

Ce délai ne s’applique évidemment pas si un cas de force majeure le rend impossible à respecter. Ainsi, un travailleur célibataire hospitalisé suite à de graves circonstances ne pourra être sanctionné pour le non‑respect de ce délai lorsqu’il apparaît qu’il lui était absolument impossible pendant plusieurs jours de remplir ses obligations.

Mentions

La loi précise que le certificat doit mentionner :

  • les raisons de l’incapacité ;
  • la durée probable de l’incapacité. Le médecin doit donc indiquer une date de début et une date de fin ;
  • l’autorisation ou l’interdiction pour le travailleur de se déplacer ;
  • l’identité du médecin qui a rédigé ce certificat ;
  • la date à laquelle le certificat a été rédigé.
Sanction

Si l’employeur ne reçoit pas de certificat ou le reçoit tardivement, la réglementation prévoit une suspension du salaire garanti pour les jours d’incapacité précédant l’envoi du certificat. Si le travailleur n’a pas fourni de certificat, il n’aura pas droit au salaire garanti pour la période d’incapacité.

Licenciement pour faute grave

Le fait de ne pas fournir de certificat médical ne peut pas, la plupart du temps, mener à un licenciement pour faute grave, même si ce manquement figure dans la liste des fautes graves du règlement de travail.

Les cours et tribunaux semblent en effet peu enclins à considérer le fait de ne pas fournir de certificat (ou de le faire tardivement) comme une raison valable de rupture immédiate du contrat pour faute grave.

1.3   Obligations en cas de prolongement de l’incapacité de travail

La réglementation n’indique pas les formalités que doit respecter le travailleur pour informer l’employeur du prolongement de son incapacité. Néanmoins, trois courants se dégagent de la jurisprudence :

  • le premier courant estime que les dispositions régissant la notification à l’employeur de l’incapacité de travail ainsi que la remise éventuelle d’un certificat médical sont applicables, sans plus, lorsque l’incapacité de travail se poursuit au-delà du délai prévu initialement ;
  • le deuxième courant est d’avis contraire sauf si l’employeur ne pouvait pas ignorer l’état de santé du travailleur ;
  • le troisième courant considère que l’absence prolongée du travailleur donne lieu à une présomption d’incapacité quand l’employeur omet de se renseigner au sujet de l’état de santé du travailleur.

Quoi qu’il en soit, il est dans l’intérêt de l’employeur de prévoir une clause dans le règlement de travail qui indique que les mêmes formalités d’avertissement de l’employeur sont d’application en cas de prolongement de l’incapacité de travail.

Le modèle de règlement de travail fourni par Group S contient une telle clause.

2.     Le contrôle de l'incapacité par l'employeur

2.1    Le choix du médecin-contrôleur

Tout employeur est en droit de faire contrôler la réalité de l’incapacité de travail par un médecin‑contrôleur. Ce contrôle ne peut être effectué par un infirmier / une infirmière ou du personnel paramédical.

L’employeur peut faire appel à un médecin-contrôleur sans tenir compte de l’avis du travailleur. Ce médecin doit remplir certaines conditions :

  • être en droit de pratiquer l’art de guérir ;
  • ET pouvoir justifier de 5 ans d’expérience en tant que médecin généraliste ou d’une pratique médicale équivalente ;
  • ET être totalement indépendant par rapport à l’employeur et au travailleur contrôlé.

Comme garantie supplémentaire de l’indépendance du médecin-contrôleur, la loi relative à la médecine de contrôle l’oblige à signer lors de chaque contrôle une déclaration d’indépendance par laquelle il confirme son indépendance vis-à-vis de l’employeur et du travailleur. Cette déclaration doit être rédigée en double exemplaire conformément à un modèle fixé par un arrêté royal (AR du 18 juillet 2001 ; MB du 3 août 2001).

2.2    Le travailleur peut-il refuser un contrôle ?

Le travailleur ne peut pas refuser de se faire examiner par le médecin-contrôleur et doit prendre toutes les mesures possibles pour que ce contrôle puisse avoir lieu.

Si le travailleur réside à l’étranger, l’employeur peut faire effectuer un contrôle dans le pays du travailleur. Dans ce cas, le travailleur doit communiquer son adresse à l’étranger. Dans le cas contraire, il rendrait le contrôle impossible.

2.3    Où le contrôle peut-il avoir lieu ?

Si le travailleur a été autorisé à se déplacer par son médecin, le médecin-contrôleur peut le convoquer au moment et au lieu de sa convenance ou se rendre à son domicile, en annonçant ou non sa visite.

Si le travailleur n’a pas été autorisé à se déplacer, le médecin-contrôleur devra se rendre sur place. Le travailleur devra alors être disponible, soit à son domicile, soit à son lieu de soins ou de convalescence, dont il aura communiqué l’adresse à son employeur.

L’employeur prend en charge les frais de déplacement du travailleur.

2.4    Quand le contrôle peut-il avoir lieu ?

Le contrôle ne peut avoir lieu à une heure déraisonnable (comme après 22 heures ou très tôt le matin). Bien entendu, il s’agit d’une question de fait. Il n’existe aucune disposition interdisant qu’un contrôle ait lieu un jour férié ou un dimanche ou stipulant qu’il doit être effectué pendant les heures de travail normales. Le contrôle peut intervenir pendant toute la durée de l’incapacité.

Une clause de C.C.T. ou de règlement de travail peut définir une tranche de maximum 4 heures consécutives entre 7 heures et 20 heures pendant laquelle le travailleur doit être disponible pour un contrôle à son domicile ou au lieu qu’il aura renseigné à son employeur. Le fait que le travailleur puisse, selon le certificat obtenu de son médecin, quitter ou non son domicile n’influence pas cette mesure.

2.5    Comment se déroule ce contrôle ?

Le médecin-contrôleur consignera ses constatations dans un rapport. Cet examen se terminera par la communication de ces constatations au travailleur. Le médecin-contrôleur remettra son rapport écrit au travailleur aussi rapidement que possible, éventuellement après avoir consulté le médecin traitant qui a fourni le certificat d’incapacité. Il devra également ajouter un exemplaire de la déclaration d’indépendance.

Si le travailleur conteste le contenu du rapport du médecin-contrôleur, ce dernier devra le mentionner.

Le médecin-contrôleur doit mentionner dans son rapport si le travailleur est réellement capable d’effectuer son travail. Il examinera ensuite la période probable de l’incapacité et pourra se prononcer sur une éventuelle prolongation de celle-ci, bien qu’il ne puisse l’attester lui-même par écrit.

2.6    Sanctions

Le refus du travailleur de se soumettre à un contrôle est une question de fait. La charge de la preuve incombe à l’employeur.

La réglementation prévoit une sanction lorsque le travailleur se soustrait au contrôle ou rend son exécution impossible. Le salaire garanti peut être refusé pour tous les jours précédant le contrôle. Comme l’employeur n’est pas tenu d’organiser un nouveau contrôle, le travailleur perd son droit au salaire garanti pour l’ensemble de la période d’incapacité de travail couverte par l’attestation médicale.

Quelques exemples de refus de contrôle acceptés par la jurisprudence :

  • le travailleur qui doit observer une interdiction de sortir est absent de sa résidence habituelle (Trib. du Trav. de Bruxelles, 19 mai 1980, J.T.T., 1980, 244 et T.S.R., 1980, 374) ;
  • le travailleur ne respecte pas l’obligation d’informer son employeur du lieu de sa résidence effective (Trib. du Trav. de Bruxelles, 16 mars 1981, T.S.R., 1982, 233) ;
  • le refus du travailleur d’attacher son chien empêchant ainsi l’exécution du contrôle (Trib. du Trav. de Anvers, 16 octobre 1986, T.S.R., 1986, 542).

 2.7    Qu’en est-il du licenciement pour faute grave ?

 Le fait pour le travailleur de se soustraire au contrôle ne suffit pas pour le licencier pour faute grave (Cour du Trav. Anvers, 9 octobre 1978, J.T.T. 1980, 48 ; Trib. du Trav., Charleroi, 23 décembre 1991, Chron. soc. 1992, 162).

 Cependant, le travailleur peut s’être soustrait à ce genre de contrôle à plusieurs reprises.

  • Si l’employeur a convoqué le travailleur plusieurs fois pour se présenter à un contrôle,  que le travailleur a chaque fois refusé d’y réserver la suite voulue, et que cette situation s’est présentée également à l’occasion d’incapacités de travail antérieures, ce refus peut justifier le licenciement pour faute grave (Cour du Trav. Mons, 15 janvier 1996, J.T.T. 1996, 503).
  • Si le travailleur a expressément empêché un contrôle, l’employeur a également le droit de licencier le travailleur pour faute grave (Cour du Trav. Anvers, 22 octobre 1997, J.T.T. 1998, 383).

Dans tous les cas énoncés ci-dessus, il est nécessaire de pouvoir clairement démontrer que le travailleur s’est soustrait au contrôle.

2.8    Divergences d’opinions entre le médecin traitant et le médecin-contrôleur

Imaginons que le médecin-contrôleur déclare le travailleur apte à exercer ses fonctions, tandis que le médecin traitant affirme le contraire. Comme les deux avis ont la même valeur, l’employeur a le droit de ne pas verser de salaire garanti au travailleur, mais si le travailleur reste chez lui, son absence ne pourra pas être considérée comme injustifiée. La partie la plus diligente peut faire trancher le différend par le tribunal du travail ou par une procédure arbitrale.

La procédure arbitrale se déroule comme suit :

  • dans les deux jours ouvrables de la remise des conclusions écrites du médecin-contrôleur, la partie la plus diligente peut avoir recours à la procédure d’arbitrage ;
  • le médecin-arbitre examine le travailleur et prend une décision dans les trois jours de sa désignation. Il en informe le médecin traitant, le médecin contrôleur ainsi que l’employeur et le travailleur ;
  • la décision est définitive et engage toutes les parties impliquées.

Quelles sont les conséquences pour l’employeur ?

Si le médecin-arbitre estime que le travailleur est apte au travail, le salaire garanti sera annulé à partir de la date de l’examen de contrôle. En revanche, si le médecin-arbitre estime que le travailleur est effectivement inapte au travail, l’employeur sera tenu de régulariser sa situation en lui payant le salaire garanti pour cette période.