La violence, le harcèlement moral ou sexuel au travail: aperçu des règles actuelles

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Depuis le 16 juin 2007 la législation en matière de protection des travailleurs contre la violence, le harcèlement moral ou sexuel au travail est intégrée dans la législation relative à la charge psychosociale occasionnée par le travail.

Le harcèlement au travail a été au cœur des médias ces derniers jours. C’est l’occasion pour nous de refaire le point sur les règles en cette matière.

I. Définitions

La violence au travail est définie comme chaque situation de fait où un travailleur ou une autre personne à laquelle la législation est d'application, est menacé ou agressé psychiquement ou physiquement lors de l'exécution du travail.

Le harcèlement moral au travail est défini comme plusieurs conduites abusives similaires ou différentes, externes ou internes à l'entreprise ou l'institution, qui se produisent pendant un certain temps. Elles ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l'intégrité physique ou psychique d'un travailleur ou d'une autre personne à laquelle la législation est d'application, lors de l'exécution de son travail, de mettre en péril son emploi ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant et qui se manifestent notamment par des paroles, des intimidations, des actes, des gestes ou des écrits unilatéraux. Ces conduites peuvent notamment être liées à la religion ou aux convictions, au handicap, à l'âge, à l'orientation sexuelle, au sexe, à la race ou l'origine ethnique.

Par conséquent, des faits uniques de harcèlement moral ne sont pas visés par la loi. Il doit s’agir de plusieurs conduites (tant la répétition de la même conduite que différentes conduites) qui se produisent pendant un certain temps. Sont pris en considération tant le harcélement intentionnel que le harcèlement involontaire.

Le harcèlement sexuel au travail est défini comme tout comportement non désiré verbal, non verbal ou corporel à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

II. Le volet prévention

a) Analyse de risque obligatoire

Dans sa politique générale de prévention de la charge psychosociale occasionnée par le travail, l'employeur est tenu de faire une analyse des risques existant au sein de l’entreprise.

Sur la base de cette analyse l’employeur doit définir les mesures à prendre dans le but de prévenir la violence, le harcèlement moral ou sexuel. A tout le moins il doit s’agir des mesures de prévention suivantes:

  • en premier lieu, l’employeur doit prendre des mesures matérielles et organisationnelles permettant de prévenir des situations de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail;
  • l'instauration d'une procédure interne à l'entreprise qui permet à la personne qui estime être l'objet de violence, harcèlement moral ou sexuel au travail:

    • d'être accueillie et de recevoir les conseils nécessaires;
    • de bénéficier d'une intervention rapide et impartiale de la personne de confiance et du conseiller en prévention;
    • d’être informée des modalités selon lesquelles le travailleur peut faire appel au conseiller en prévention compétent ou à la personne de confiance;
    • de bénéficier de mesures de prise en charge, par exemple dans le cadre de la remise au travail;
  • la prise de mesures spécifiques pour la protection des travailleurs en contact avec des tiers, tels que des clients, fournisseurs, prestataires de service avec lesquels il est en contact dans le cadre de l’exécution de son travail;
  • la détermination des obligations de la ligne hiérarchique dans la prévention;
  • l'information et la formation des travailleurs;
  • l’information du comité.

Les résultats de l’analyse des risques et les mesures de prévention doivent être insérés dans le plan de prévention global et le plan d’action annuel de l’entreprise, ainsi que dans le rapport annuel du service interne pour la  prévention et la protection au travail.

Certaines données doivent également être insérées dans le règlement de travail. Il s’agit des coordonnées du conseiller en prévention compétent et éventuellement de la personne de confiance ainsi que les procédures internes applicables au rapport de faits susceptibles de révéler des actes de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail.

b) La désignation d’un conseiller en prévention et d’une personne de confiance

L’employeur a pour obligation de désigner un conseiller en prévention spécialisé dans les aspects psychosociaux du travail et qui notamment le soutient lors de l’analyse des risques et la détermination des mesures de prévention.

Si l’employeur se prononce en faveur d’un conseiller en prévention qui fait partie du service interne pour la prévention et la protection au travail, sa désignation doit recueillir l’accord préalable de l’ensemble des membres du comité de prévention et de protection au travail. A défaut d’un accord, une mission de conciliation sera confiée aux services d’inspection. En cas d’insuccès de la mission de ces services, l’employeur devra avoir recours à un service externe pour la prévention et la protection au travail. Le recours à un service externe est de toute façon prévu quand l’entreprise occupe moins de 50 travailleurs.

Par contre, la désignation par l’employeur d’une personne de confiance n’est toujours pas obligatoire mais elle est néanmoins encouragée par la nouvelle réglementation laquelle prévoit également un renforcement de son statut:

  • elle exerce sa fonction en toute autonomie et ne peut pas être lésée par l’exercice de  sa fonction;
  • dans l’exercice de sa fonction, elle ressortit au service interne pour la prévention et la protection au travail et elle est en contact direct avec la personne chargée de la gestion journalière de l’entreprise;
  • elle dispose du temps nécessaire pour l’accomplissement de sa mission;
  • elle dispose d’un local adéquat lui permettant d’accomplir ses missions en tout confidentialité;
  • elle a le droit et l’obligation de contacter le conseiller en prévention chaque fois que cela est utile pour l’accomplissement de sa mission;
  • elle dispose des compétences et connaissances requises pour mener à bien ses tâches et il lui est également possible de suivre des formations afin de parfaire celles-ci ou d’en acquérir de nouvelles.

Ni le conseiller en prévention charge psychosociale, ni la personne de confiance ne peuvent exercer en même temps la fonction de médecin de travail.

III. Les tiers

La législation réserve une attention particulière aux travailleurs qui estiment être l’objet de violation, de harcèlement moral ou sexuel au travail de la part de tiers avec lesquels ils entrent en contact lors de l’exécution de leur travail.

Les déclarations de ces travailleurs doivent être portées dans un registre. Ce registre à son tour doit être tenu par la personne de confiance, le conseiller en prévention ou le Service interne pour la prévention et la protection au travail. Le registre ne mentionne pas l’identité des travailleurs concernés. Seuls ont accès à ce registre l’employeur, le conseiller en prévention compétent et la personne de confiance.

Les travailleurs qui sont victimes d’un fait de violence commis par autrui sur le lieu de travail reçoivent dorénavant un soutien psychologique approprié d’une institution spécialisée. 

IV.  Les procédures de traitement des plaintes

Tant les travailleurs que les employeurs et les tiers qui sont en contact avec les travailleurs lors de l’exécution de leur travail, sont tenus de s’abstenir de tout comportement de violence, de harcèlement sexuel ou moral au travail.

Inversément, tant les travailleurs que les employeurs et les tiers peuvent eux-mêmes faire l’objet d’actes de violence, de harcèlement sexuel ou moral au travail. Toutefois, les procédures auxquelles ils peuvent avoir recours sont différentes.

Le travailleur  qui estime faire l’objet de violence, de harcèlement sexuel ou moral au travail a 3 possibilités d’agir: par la procédure interne, par une plainte auprès de l’inspection ‘contrôle du bien-être au travail’ ou par une action en justice.

a) La procédure interne

Au sein de l’entreprise le travailleur peut s’adresser soit à la personne de confiance soit au conseiller en prévention.

Avant d’examiner en détail cette procédure, il convient d’attirer l’attention sur une obligation spécifique du conseiller en prévention-médecin du travail. Lorsque celui-ci constate au cours d’un examen médical qu’un travailleur a probablement été victime de violence, de harcèlement sexuel ou moral au travail, il doit informer le travailleur qu’il peut s’adresser à la personne de confiance ou au conseiller en prévention. S’il estime que le travailleur n’est pas capable de le faire, il peut le faire lui-même avec l’accord travailleur bien entendu.

Dans les  8 jours civils à dater de cette communication à la personne de confiance ou au conseiller en prévention, le travailleur est écouté et informé des possibilités de solutionner le probléme d’une manière informelle par l’intermédiaire d’un membre de la direction ou via une tentative de conciliation avec la personne mise en cause. La personne de confiance ou le conseiller en prévention ne peut intervenir qu’avec l’accord du travailleur. Une tentative de conciliation nécessite l’accord de la personne mise en cause.

Si la victime ne souhaite pas suivre la voie de la solution informelle, elle peut d’emblée déposer une plainte motivée auprès de la personne de confiance ou du conseiller en prévention. Le dépôt d’une plainte reste possible même si le travailleur a opté pour la solution informelle mais qu’à un moment donné il veut mettre fin à cette initiative, que l’intervention en conciliation a échoué ou que les faits continuent à se produire.

Pour que le travailleur puisse déposer une telle plainte, il doit avoir eu au préalable un entretien avec la personne de confiance ou avec le conseiller en prévention. Cet entretien doit avoir lieu dans les 8 jours civils suivant l’expression de sa volonté de déposer une plainte.

La plainte doit être déposée à l’aide d’un document daté et signé par le travailleur et contenant les éléments suivants:

  • la demande à l’employeur de prendre les mesures adéquates;
  • la description précise des faits constitutifs;
  • le moment et l’endroit des faits;
  • l’identité de la personne mise en cause.

La personne qui reçoit la plainte en signe une copie à titre d’accusé de réception et la retourne au travailleur. Sur cette copie il sera mentionné que l’entretien a eu lieu.

Si la plainte est déposée auprès de la personne de confiance, celle-ci la transmet immédiatement au conseiller en prévention. Dés réception de la plainte il la communique à l’employeur, accompagnée de l’identité du travailleur pour informer l’employeur que la victime bénéficie d’une protection contre le licenciement.

Le conseiller en prévention examine la plainte déposée dans un délai de trois mois. Pendant cette période il va entendre tous ceux qu’il juge utiles compte tenu de la situation (tant la personne mise en cause que les témoins); il émet ensuite un avis écrit dans lequel il peut notamment proposer des mesures et il remet cet avis à l’employeur.

Ensuite l’employeur informe la victime et la personne mise en cause des mesures qu’il envisage de prendre. Si ces mesures ont pour résultat de modifier les conditions de travail, l’employeur doit également communiquer une copie de cet avis au travailleur et l’inviter pour un entretien. Le travailleur peut se faire assister par son organsiation syndicale ou un conseiller.

Les tiers qui estiment faire l’objet de violence, harcèlement sexuel ou moral au travail de la part d’un travailleur ne peuvent pas se prévaloir de cette procédure interne.

Par contre les travailleurs d’un deuxième employeur qui exercent en permanence des activités auprès du premier employeur peuvent avoir recours à la procédure de ce premier employeur.

b) L’intervention de ‘l’inspection du contrôle du bien-être au travail’

Conformément à cette législation, l’employeur doit prendre les mesures adéquates pour mettre fin à la violence, le harcèlement sexuel ou moral au travail.

A défaut d’une initiative de l’employeur ou si les faits incriminés subsistent après la mise en oeuvre des mesures prises, le conseiller en prévention fera intervenir moyennant l’accord du travailleur, l’inspection du contrôle du bien-être au travail.

Le travailleur peut aussi s’adresser directement à l’inspection. S’il paraît toutefois qu’un conseiller en prévention charge psychosociale a été désigné et que la procédure interne peut être adoptée, l’inspection va renvoyer le travailleur à la procédure interne. Si par contre elle doit constater qu’un conseiller en prévention n’a pas été désigné, elle va charger l’employeur de cette désignation ou elle désignera d’office un conseiller en prévention.

c) La procédure en justice

Toute personne qui peut justifier d’un intérêt légitime ( donc tant le travailleur que l’employeur ou un tiers) peut intenter devant le tribunal de travail une action:

  • en dédommagement;
  • en cessation des faits. Le tribunal en est saisi de la même manière que d’une action en référé. Elle est introduite sur requête contradictoire;
  • pour imposer (à l’employeur) des mesures provisoires. Celles-ci concernent l’application des mesures de prévention ou de mesures devant assurer la cessation des faits incriminés. Cette action est introduite sur requête contradictoire tel qu’en procédure de référé.

Si le juge constate toutefois l’existence d’une procédure interne, il peut ordonner au travailleur de passer d'abord par cette procédure. La procédure en justice sera suspendue en attendant les résultats de la procédure interne.

Tant le "Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme" que l’"Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes" peuvent également intervenir en justice dans les litiges de violence, de harcèlement sexuel ou moral au travail pour défendre les droits des personnes auxquelles cette législation est applicable.

V. Protection contre le licenciement

Les travailleurs suivants bénéficient d’une protection contre le licenciement:

  • le travailleur qui a déposé une plainte auprès du conseiller en prévention ou de la personne de confiance;
  • le travailleur qui a déposé une plainte auprès de l’inspection du contrôle du bien-être au travail;
  • le travailleur qui a déposé une plainte à la police, auprès du ministère public ou auprès du juge d’instruction ;
  • le travailleur qui intente une action en justice ou pour lequel une action est intentée;
  • le travailleur qui intervient comme témoin, à savoir celui qui dans le cadre de l’examen de la plainte porte à la connaissance du conseiller en prévention dans un document signé et daté, les faits qu’il a vus ou entendus lui-même et qui se rapportent à la situation laquelle fait l’objet de la plainte ou celui qui intervient en qaulité de témoin en justice.

Cette protection contre le licenciement prend cours dès le dépôt de la plainte, de l’introduction de l’action en justice ou le dépôt du témoignage. La protection des témoins prend cours à partir de la convocation ou de la citation de l’intéressé et reste en vigueur pendant les 12 mois suivant le dépôt de plainte ou du témoignage. Si une action en justice a été intentée, la protection continue pendant trois mois après que le jugement a obtenu force de chose jugée.

Pendant cette période de protection, l’employeur ne peut pas mettre fin au contrat de travail, ni modifier unilatéralement les conditions de travail du travailleur concerné à moins que les motifs invoqués pour le faire soient étrangers à la plainte, à l’action en justice ou au témoignage. La charge de la preuve incombe à l’employeur.

Le travailleur peut aussi introduire une demande de remise au travail. Si cette demande ne donne pas lieu à sa réintégration ou s’il est intégré à des conditions différentes de celles en vigueur avant les faits ayant donné lieu à la plainte, il peut réclamer une indemnite de rupture laquelle, en fonction de son choix, est égale à un montant forfaitaire qui correspond au salaire brut de 6 mois ou au préjudice réel subi par le travailleur et dont celui-ci a fourni la preuve.

La demande en réintégration est facultative. En effet, l’employeur a également pour obligation de payer l’indemnité de rupture dont question ci-dessus en l’absence d’une demande de réintégration ou quand le juge a estimé que le licenciement ou la modification unilatérale des conditions de travail étaient non justifiés.

En principe, il incombe au conseiller en prévention d’informer l’employeur de l’identité des témoins et ceux-ci sont protégés contre le licenciement. Le témoin qui intervient en justice (dans une procédure judiciaire) doit toutefois lui-même informer l’employeur du fait qu’il bénéficie d’une protection prenant cours au moment de la convocation ou la citation.

Si la plainte a été reçue par une autre personne, elle doit informer l’employeur de cette protection.

VI. Information et accès aux documents

La législation prévoit des règles concernant la diffusion des informations et l’accès aux documents utilisés.

Le conseiller en prévention et la personne de confiance doivent respecter le secret professionnel. A cette règle existent certaines exceptions:

1.          Le plaignant reçoit une copie de la plainte. Dans le cadre de la conciliation il a droit aux informations utiles au bon déroulement de celle-ci. Si l’employeur souhaite modifier les conditions de travail ou si le travailleur souhaite intenter une action, l’employeur transmet au travailleur certains éléments contenus dans l’avis du conseiller en prévention, à savoir:

    • un résumé des faits;
    • l’avis du conseiller en prévention sur la question de savoir si les faits peuvent être considérés comme l’expression  d’une violence ou d’un harcèlement sexuel ou moral au travail;
    • le résultat de la tentative de conciliation;
    • l’analyse de causes des faits;
    • les mesures à prendre ou les recommandations faites à l’employeur.

2.          La personne mise en cause reçoit une copie de sa déclaration et dans le cadre de la conciliation il a également droit  à toutes les informations utiles à l’aboutissement de celle-ci. En outre, elle sera informée du fait qu’une plainte a été déposée et des faits dont elle est accusée.

3.          L’employeur est informé du fait qu’un travailleur a déposé une plainte et de l’identité de ce travailleur. De la part du conseiller en prévention il reçoit un avis écrit au sujet des résultats de son examen de la plainte.

4.          En outre, toute personne qui peut justifer d’un intérêt légitime reçoit de la part du conseiller en prévention, une copie du document avec lequel l’employeur a été mis au courant de la plainte ou de la demande d’intervention de l’inspection.

5.          Le conseiller en prévention tient également à la disposition de l’inspection le dossier individuel des plaintes.

Par contre, personne ne peut consulter les annotations de la personne de confiance ni du conseiller en prévention, pas plus que les déclarations de l’intéressé (hormis la déclaration personnelle) et les données à caractère privé!