Norme salariale 2011-2012 : pour mémoire...

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La fin de l’année étant imminente, nous attirons encore une fois votre attention sur la norme salariale applicable pour les années 2011-2012. Vous devrez donc encore en tenir compte l’année prochaine, dans votre gestion des rémunérations.
La norme salariale pour les années 2011-2012 a été fixée par un arrêté royal du 28 mars 2011 qui est entré en vigueur le 1er avril 2011. Pour l’année 2011, la marge maximale de l’évolution du coût salarial était de 0 % et pour l’année 2012, elle sera de 0,3 %.

Toutefois, des questions continuent de se poser au sujet de son application concrète et des conséquences que cette norme salariale peut avoir, notamment en ce qui concerne la notion de coût salarial, le mode de calcul, l’entrée en vigueur, …

Jusqu’à ce jour, le gouvernement, lui-même, n’a pas encore fourni suffisamment de précision pour permettre une application correcte de cette norme. C’est pourquoi nous passons à nouveau en revue toutes les informations dont nous disposons aujourd’hui à ce sujet.

1. Notion d'évolution du coût salarial

L'Arrêté royal du 28 mars 2011 a été pris en exécution de la loi du 26 juillet 1996 qui vise notamment la sauvegarde de la compétitivité. L'objectif de la loi était donc de limiter le coût salarial des entreprises belges afin de ne pas affaiblir leur compétitivité par rapport aux entreprises de nos pays voisins.

L'article 2 de cette loi définit la notion d'évolution du coût salarial comme suit "l'augmentation, en termes nominaux, du coût salarial moyen par travailleur dans le secteur privé, exprimé en équivalents temps plein et, le cas échéant, corrigé en fonction de modifications dans la durée annuelle moyenne conventionnelle de travail." 

L'évolution du coût salarial est donc calculée comme une moyenne par travailleur, exprimé en équivalents temps plein. Etant donné qu’il s’agit d’une moyenne, elle ne doit pas être respectée sur un plan individuel. Il s’en suit que théoriquement, il est parfaitement possible d’augmenter le salaire d’un travailleur, à condition toutefois que le coût salarial total moyen ne dépasse pas la marge maximale autorisée. Mais en pratique, les augmentations de salaire individuelles donneront vite lieu à une augmentation du coût salarial moyen.

Maintenant que nous savons ce qu’inclut ‘l’évolution du coût salarial’, il est tout aussi fondamental de savoir ce qui est entendu par ‘coût salarial’. Cependant, la loi n’a nulle part défini cette notion. La doctrine est d'avis que ce sont les coûts patronaux qui accompagnent le paiement du salaire qui sont visés. Pour l'application de la norme salariale, la notion devra être interprétée le plus largement possible. Seront donc inclus : le salaire normal, les avantages de toute nature (utilisation privée de la voiture de société par exemple), tous types de bonus, primes, commissions, chèques-repas, voire même les remboursements de frais (ex. : frais de transport) étant donné que ceux-ci sont également supportés par l'employeur et sont donc susceptibles d'affaiblir sa compétitivité. Peuvent également être prises en considération les cotisations patronales légales ou conventionnelles de sécurité sociale qui sont versées à un fonds de sécurité d'existence ou à d'autres fonds sociaux.

La loi du 26 juillet 1996 énumère toutefois un certain nombre d’avantages que l’employeur peut octroyer à ses travailleurs et qui ne seront pas pris en considération pour évaluer l’évolution du coût salarial. Il s’agit notamment:

  • des participations aux bénéfices ainsi que le paiement en espèces ou en actions ou parts octroyés aux travailleurs en exécution de la loi relative à la participation des travailleurs au capital et aux bénéfices des sociétés (loi du 22 mai 2001);
  • des augmentations de la masse salariale résultant de l'accroissement de l'effectif du personnel en équivalents temps plein;
  • des cotisations versées dans le cadre de pensions sociales sectorielles, c'est-à-dire les cotisations devant financer le plan de pension pendant certaines périodes dans lesquelles l'ayant droit ne produit pas de revenus. Tous les autres plans de pensions sont imputés sur la norme salariale.
  • des primes uniques d'innovation.

Toutefois, il subsiste toujours certaines imprécisions. Par exemple, quelle attitude faut-il adopter par rapport à l'avantage non-récurrent lié aux résultats (cct n° 90) de la période 2011-2012? De tels plans de bonus n'existaient pas au moment de la promulgation de la loi du 26 juillet 1996. Sur base de la doctrine dont question ci-dessus, on pourrait avancer l'argument selon lequel ces avantages doivent être pris en considération en évaluant l'évolution du coût salarial. Toutefois, ce point de vue n'a encore été confirmé par aucune instance officielle. En outre, une proposition de loi récente propose de modifier la loi du 26 juillet 1996, afin que le bonus non-récurrent ne soit pas inclus dans le calcul de l'évolution du coût salarial. Mais il n'est pas certain que cette proposition soit approuvé. Par précaution, nous restons sur notre position selon laquelle nous vous recommandons de veiller à ce que l'application d'un nouveau plan de bonus n'augmente pas le coût salarial moyen par travailleur en 2011, par rapport à l'année précédente. Si vous n'avez pas octroyé d'avantage non-récurrent lié aux résultats les années précédentes, nous vous conseillons de ne pas le faire non plus en 2011. En ce qui concerne l'année 2012, vous devrez veiller à ce que l'augmentation du coût salarial moyen par l'application d'un plan de bonus n'excède pas 0,3%. Nous ne manquerons pas de vous tenir informé du sort qui sera réservé à la proposition de loi en question.

En plus, on peut s'interroger sur l'attitude à adopter par rapport à la prolongation des avantages existants. Le cas de figure par excellence en cette matière sont les écochèques qui ont été octroyés dans la période 2009-2010. Ces chèques sont également considérés comme étant des "coûts salariaux". Il va de soi que la prolongation de cet avantage reste parfaitement possible à condition que la norme salariale ne soit pas dépassée. Exemple: des écochèques ont été octroyés en 2010 pour une somme de 250 EUR. Une nouvelle convention prévoit également pour l'année 2011 l'octroi d'écochèques pour une même valeur nominale. Le coût salarial moyen par travailleur n'aura donc pas augmenté.

D'autre part, comme déjà signalé précédemment, pour le calcul de l'évolution du coût salarial, il ne sera pas tenu compte des indexations et de l'octroi d'augmentations barémiques. Les salaires peuvent donc être indexés et les augmentations barémiques peuvent être appliquées même si ces opérations augmentent le coût salarial moyen par travailleur.

On entend notamment par augmentations barémiques, les augmentations de salaire ou l'octroi d'avantages supplémentaires liés à une modification de fonction en exécution de barèmes existants. Par ‘barèmes existants’, sont visés simplement les systèmes transparents et suffisamment prévisibles déjà en place avant l’entrée en vigueur de la norme salariale et sur base desquels le salaire d’un travailleur a été augmenté (par exemple, l’acquisition d’une certaine ancienneté, l’obtention d’un diplôme donnant lieu à une modification de la fonction, …). Toutefois, il vous incombera encore de démontrer l’existence d’un tel barème (par exemple, une stipulation du règlement de travail, des barèmes sectoriels, un usage au sein de l’entreprise, …).

En 2012 les augmentations salariales seront autorisées à condition bien entendu que le coût salarial moyen par travailleur à temps plein ne dépasse pas la marge de 0,3 %. Ces augmentations conventionnelles peuvent résulter de négociations menées sur le plan sectoriel ou au niveau de l'entreprise ou encore résulter d'un accord individuel.

Attention: de nombreux secteurs ont déjà appliqué une augmentation conventionnelle de 0,3% pour l’année 2012 (p. ex. la CP 218). Pour les entreprises appartenant à ces secteurs, il ne reste donc plus aucune marge d’octroi d’augmentation pour l’année 2012 au niveau de l’entreprise (en dehors des avantages autorisés). Afin de savoir si votre secteur a octroyé une telle augmentation sectorielle, nous vous recommandons de consulter le chapitre 0401 de notre documentation sectorielle.

2. Quid des augmentations des salaires octroyées unilatéralement ?

Selon certaines informations, les augmentations de salaire octroyées par l‘employeur unilatéralement sont autorisées étant donné que la norme salariale ne doit seulement être respectée que pour les augmentations de salaire prévues par convention collective ou individuelle. En effet, la loi du 26 juillet 1996 dispose que "les conventions” (individuelles ou collectives) ne peuvent pas déroger à la norme salariale. Un engagement unilatéral n’étant pas une convention, on peut, d’un point de vue strictement juridique , déroger effectivement à la norme salariale, par un octroi unilatéral.

Il convient toutefois d'émettre quelques réserves à ce propos. Ainsi, il sera malaisé de faire une distinction entre un accord verbal et un engagement unilatéral. En outre, il est possible que de par l'octroi d'une augmentation de salaire unilatérale l'employeur essaie de contourner la norme salariale. Si l'inspection estime que l'objectif ultime est de contourner la norme salariale, elle pourra en conclure qu'il y a infraction à la norme salariale. Plus précisément nous pensons aux augmentations de salaire qui ont été octroyées antérieurement toujours en exécution d'un accord (individuel ou collectif) alors que maintenant il s'agit d'une initiative unilatérale de la part de l'employeur.

Ainsi que vous pouvez constater l'octroi unilatéral d'augmentations de salaire ne vous garantit pas à cent pourcent d'échapper aux sanctions.

3. Entrée en vigueur de l'arrêté royal

L'arrêté royal qui fixe la norme salariale pour les années 2011 et 2012 est entré en vigueur le 1er avril 2011.

Initialement, il avait été prévu de le faire entrer en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 2011 mais le Conseil d'Etat s'est opposé à cette rétroactivité. A partir du 1er avril 2011, toutes les augmentations de salaires qui excèdent la marge maximale pour l'évolution du coût salarial, qu'elles soient octroyées avant ou après l'entrée en vigueur de l'AR, ne sont plus conformes au prescrit de l'AR ni de la loi.

Cette règle pose question pour l'année 2011. Par exemple, quelle est la suite à réserver aux augmentations octroyées au mois de janvier 2011? Ces augmentations ont en effet fait l'objet d'un accord conclu avant l'entrée en vigueur de l'AR. Selon le point de vue officieux de la Direction générale Inspection sociale du SPF ETCS, il est difficile d'interdire les augmentations de salaire octroyées avant l'entrée en vigueur de l'AR bien que ces augmentations puissent entraîner le dépassement de la norme salariale à la fin de 2011. Nous n'avons donc à ce jour aucune certitude sur la manière dont ces cas vont être traités. Nous attendons également un avis du Conseil Central de l'Economie sur cette même problématique.

Dans l'attente de clarifications, nous conseillons aux employeurs qui avaient promis une augmentation des salaires (collective ou individuelle) avant l'entrée en vigueur de l'AR avec un octroi effectif après l'entrée en vigueur (à partir du 1er mai par exemple) de ne pas appliquer cette augmentation pour le moment. Cette décision peut être justifié auprès du personnel par le renvoi à l'interdiction d'augmentation du coût salarial pour l'année 2011 et aux sanctions auxquelles l'employeur s'expose s'il contrevient à cette interdiction. L'augmentation promise pourra être reportée à l'année 2012 en respectant bien entendu la marge de 0,3 % et ce qui a déjà été convenu au niveau du secteur.

4. Sanctions

A quoi s'exposent les employeurs qui ne respectent pas la norme salariale?

La loi du 26 juillet 1996 prévoit l'application d'amendes administratives de 250 à 5.000 euros pour les employeurs qui, au-delà des indexations et augmentations barémiques, octroient des augmentations ou d’autres avantages qui dépassent la norme salariale. L’amende n’est due qu’une fois, lorsque la marge salariale autorisée de 0 % ou 0,3 % est dépassée.

Le contrôle du respect de la norme salariale est en principe effectué par la Direction Générale de l'Inspection des lois sociales. A ce jour, on ne voit toutefois pas encore clairement dans quelle mesure cette inspection entend contrôler le respect de la norme salariale. A l'occasion de la précédente fixation de la norme salariale par arrêté royal, à savoir en 1996, un nombre infime d'employeurs a été verbalisé pour avoir contrevenu à la norme.

5. Conclusion

La manière d’appliquer concrètement la norme salariale n’est pas encore parfaitement claire. Il en est de même pour les avantages à prendre en considération. C’est pourquoi nous vous conseillons de vous en tenir au strict respect de la norme salariale et de n’octroyer plus aucune augmentation de salaire cette année-ci. A partir de 2012, par contre, des augmentations seront autorisées, mais très limitées et à condition bien sûr que le secteur auquel vous ressortez, n’a pas encore réduit la marge disponible. Une précaution similaire s’impose également lorsque vous envisagez d’octroyer des augmentations de salaire unilatéralement. 

En ce qui concerne les augmentations déjà octroyées, il nous est difficile d'adopter une position ferme sur ce point car de grandes incertitudes existent en la matière. Bien entendu, nous continuons de suivre de près l'entièreté de la problématique et nous vous tiendrons informés des évolutions via notre site internet.