Les faux indépendants et la fraude sociale

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Lorsqu’un employeur ne souhaite pas exécuter une prestation lui – même, il peut :

  • Soit collaborer avec ce tiers au travers d’un contrat d’entreprise ou de société ;
  • Soit conclure un contrat de travail.

Le choix du contrat de travail a des conséquences importantes.

En effet la loi sur la législation sociale met à charge de l’employeur de lourdes obligations.

Il s’agit notamment de l’obligation de payer des cotisations de sécurité sociale, ainsi que du salaire garanti en cas de suspension du contrat de travail, de payer des indemnités parfois très importantes en cas de rupture de la collaboration avec un travailleur protégé par exemple.

Notons également qu’outre le fait que l’employeur est tenu de respecter toute une série d’obligations découlant notamment de la loi sur le travail (durée du travail…), des dispositions sur le droit collectif du travail (instauration d’une délégation syndicale, d’un CPPT, ou d’un CE), elle met à charge de l’employeur la responsabilité des fautes de ses travailleurs.

Elle restreint également son champ de liberté en ne lui permettant pas de modifier unilatéralement toute une série d’éléments de la collaboration (rémunération, fonction, lieu de travail …)

Tout ceci n’est pas applicable au collaborateur indépendant. D’où la tentation d’avoir recours au contrat d’entreprise pour faire effectuer des tâches qui sont traditionnellement effectuées par des travailleurs salariés.

Contrat de travail  

Le contrat de travail est caractérisé par le lien de subordination.

Ce lien existe dès qu’une personne (employeur) exerce son autorité et sa surveillance sur une autre personne (travailleur).

Bien que le travailleur indépendant reçoive des instructions générales quant à la nature du travail à effectuer, il dirige lui – même l’exécution de son travail.

Le lien de subordination peut résulter d’une présomption légale. Certaines présomptions peuvent être renversées. Il s’agit entre autre de la présomption au profit du représentant de commerce, et de l’étudiant. D’autres ne peuvent être renversées, telles les présomptions en faveur  des sportifs rémunérés et des intérimaires.

Bien souvent le lien de subordination résulte de la convention signée entre parties.

Il n’est pas interdit aux parties de stipuler que leur collaboration est indépendante. Et il est logique de considérer que dès l’instant ou elles ont opté pour cette qualification elles sont mal venues de la remettre en question.

Certains considèrent que la preuve du contraire ne peut être trouvée que dans les termes de la convention qui contiendrait des dispositions inconciliables avec le travail en sous – traitance.

D’autres prônent la recherche de la volonté commune réelle des parties en sorte que la qualification n’est pas déterminante. On se penchera alors sur l’exécution de la convention.

Cependant en général le juge partira de la convention écrite qui lie normalement les deux parties. Il ne l’écartera que si elle contient des dispositions inconciliables confirmées par l’exécution qui en est faite.

lutte contre le phénomène des faux indépendants

Afin de lutter contre le phénomène des faux indépendants la loi-programme du 27 décembre 2006 contient un titre XIII sur la « Nature des relations de travail ».

La loi confirme le principe de la volonté des parties pour autant que l’exécution effective de leur convention corresponde avec la nature de leur relation.

Trois types de critères peuvent être utilisés pour analyser la nature de la relation de travail.

Les critères généraux, les critères spécifiques et les critères neutres.

Les critères neutres ne peuvent intervenir dans l’appréciation de la nature de la relation professionnelle.

Il s’agit d’éléments de forme qui ne sont en rien révélateurs sur la manière dont les parties exécutent leur relation de travail. Il s’agit de la manière dont les parties gèrent leurs relations avec les administrations sociales et fiscales (inscription à l’ONSS, à la TVA, à la Banque Carrefour).

Il y a quatre critères généraux :

  • La volonté des parties pour autant qu’elle soit conforme à l’exécution effective du travail ;
  • La liberté dans l’organisation du temps de travail ;
  • La liberté dans l’organisation du travail en lui-même ;
  • La soumission à un contrôle hiérarchique.

Ces critères visent essentiellement le lien de subordination qui est un des éléments essentiels du contrat de travail. Ils sont entrés en vigueur au 1er janvier 2007.

La volonté des parties.

Comme précisé ci – dessus le point de départ de la réflexion sera la convention conclue entre les parties.

Le statut du travailleur sera celui choisi dans la convention mais pour autant qu’il corresponde à l’exécution réelle.

Organiser son travail et son temps de travail.

Un travailleur indépendant reste libre d’organiser son temps de travail et son travail.

Un travailleur salarié lui, à l’obligation de justifier son temps de travail et doit exécuter celui-ci conformément aux instructions de l’employeur. Il doit avertir l’employeur en cas d’absence et fixer ses congés en commun accord.

Le contrôle hiérarchique.

Il n’est pas nécessaire que ce contrôle soit permanent. Il suffit qu’il soit possible. Il n’est pas exigé qu’il soit direct. Le fait pour un travailleur à domicile ou itinérant de ne pas être sous contrôle direct et permanent n’est pas suffisant pour le requalifier en travailleur indépendant. En  effet le contrôle est indirect et limité mais il demeure possible.

Cette autorité permet à l’employeur de diriger, surveiller et contrôler l’exécution des prestations du travailleur.

Les critères spécifiques peuvent êtres propres à un secteur, d’ordre juridique ou socio-économiques.

Il pourrait s’agir de la possibilité d’engager du personnel, de travailler avec le matériel du travailleur, avoir un pouvoir décision sur les moyens financiers…

Ces critères doivent encore être définis dans un Arrêté Royal sur base d’un avis émis par la Commission de règlement de la relation du travail.

Cette Commission doit être composée de deux sections.

La section administrative est chargée de prendre des décisions à la demande des parties. Ces décisions sont susceptibles de recours devant le Tribunal du Travail. Elles ont une durée de trois ans.

Quant à la section normative, elle a une compétence générale d’avis. Sa mission est de travailler sur les critères spécifiques.

Ces deux sections ont été instituées par Arrêté Royal du 14 décembre 2010. Mais elles ne fonctionnent pas faute de nomination des membres.

Attention les critères pris séparément n’ont aucune valeur. Seule la convergence de plusieurs critères va permettre d’examiner si l’exécution du travail convenu est conforme aux termes de la convention.

Ceci étant, la détermination de la nature de la relation de travail en regard des critères généraux relève de l’appréciation de fait. Il apparaît qu’il existe de nombreux abus dans certains secteurs.

C’est pourquoi le Conseil des Ministres a approuvé récemment un plan d’action contre la fraude sociale pour lutter contre le phénomène des faux indépendants.

Quatre secteurs sont particulièrement visés : la construction, le nettoyage, le transport et le gardiennage.

Pour des informations concernant le plan de lutte contre la fraude nous vous renvoyons à notre article du 7 mai 2012.