Suppression de la période d’essai : quelques alternatives


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Depuis l’introduction du statut unique entré en vigueur le 1er janvier 2014, il n’est plus possible de prévoir une période d’essai dans les contrats de travail[1]. Par conséquent, l’employeur ne peut plus tester le travailleur à l’aide d’une période d’essai pour laquelle des délais de préavis réduits étaient d’application. 

Néanmoins, dans certains cas, les nouveaux délais de préavis introduits par le statut unique peuvent s’avérer plus avantageux pour l’employeur. En effet, sous l’empire de la période d’essai, sauf faute grave, le contrat de travail ne pouvait être résilié unilatéralement avant l’échéance d’une durée minimale d’un mois pour les employés et de sept jours pour les ouvriers. En cas de rupture du contrat par l’employeur durant la période minimale de l’essai, ce dernier était redevable de la rémunération qui aurait été gagnée par le travailleur jusqu'au dernier jour de cette même période. 

Plus concrètement, concernant un employé, l’employeur était redevable de la rémunération à échoir jusqu’au terme du premier mois d’occupation. Or, depuis le 1er janvier 2014, pour une ancienneté inférieure à 3 mois, un délai de préavis de deux semaines est d’application. Durant les premiers jours de l’occupation, il peut donc s’avérer plus avantageux de mettre fin au contrat d’un employé moyennant l’application des nouveaux délais de préavis que dans le cadre d’une période d’essai.

Par contre, pour un ouvrier, le système de la période d’essai était plus avantageux en cas de rupture unilatérale du contrat de travail durant les sept premiers jours. En effet, dans un tel cas de figure, l’employeur était redevable d’une indemnité égale à la rémunération restante de la première semaine d’occupation alors que, à partir du 1er janvier 2014, un ouvrier comptabilisant moins de 3 mois d’ancienneté a droit également à un délai de préavis de deux semaines. 

Par ailleurs, il subsiste encore en 2014 d’autres possibilités de tester l’aptitude du travailleur pouvant être présentées comme des alternatives à la période d’essai. Nous songeons en particulier au test préalable à l'embauche et au motif « insertion » dans le cadre du travail intérimaire.

Enfin, certains mécanismes ont également été mis en place en compensation de la suppression de la période d’essai concernant la rupture des contrats de travail pour une durée déterminée ou pour un travail nettement défini.

Nous vous exposons, ci-après, ces différentes alternatives.

Test préalable à l'embauche du travailleur

Lors de la procédure de sélection, l’employeur a la possibilité de soumettre le candidat à un examen ou à une épreuve pratique. Il faut cependant respecter quelques conditions pour éviter que l’exécution du test fasse naître un contrat de travail :

  1. Le test doit être de courte durée. Le test ne peut dépasser la durée nécessaire pour évaluer les capacités du candidat. Concrètement, le test ne peut durer que quelques heures.
  2. Le test ne peut pas constituer une période d’essai. Il ne peut s’agir que d’un examen qui contrôle les aptitudes et/ou le niveau de formation du candidat par rapport à la fonction proposée. Le test ne peut servir à vérifier si le candidat convient réellement pour la fonction, tant au point de vue des tâches à réaliser que de son insertion dans l’entreprise.
  3. Le test peut être productif mais ne peut être rentable pour l’employeur. L’exécution de la tâche peut s’avérer productive en cas de réussite de l’épreuve pratique, mais la réalisation d’un profit financier pour l’employeur ne peut pas être l'objectif. Le temps passé à l’organisation du test, la surveillance et l’appréciation de celui-ci sont pris en considération.
  4. Le test ne peut pas être rémunéré ou indemnisé. Sur présentation des pièces justificatives, l’employeur peut toutefois rembourser les frais de déplacement du candidat. Les frais afférents au test sont à charge de l’employeur.

Si l’employeur ne respecte pas ces conditions, le risque existe que le Tribunal du travail considère que des prestations de travail ont été effectuées sous l’autorité de l’employeur contre une rémunération. Dans ce cas, le Tribunal jugera qu’un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu tacitement entre les parties.

Le motif d’insertion : le travail intérimaire comme canal de recrutement

Une solution possible en guise de remplacement de la période d’essai dans le contrat de travail est de faire appel à un travailleur intérimaire. Depuis septembre 2013, le motif « insertion » est venu s’ajouter aux motifs existants pour le travail intérimaire (motifs remplacement d'un travailleur, surcroît temporaire de travail, exécution d'un travail exceptionnel).

Le motif insertion vise le recours au travail intérimaire en tant que canal de recrutement pour occuper un poste vacant au sein de l’entreprise de l’utilisateur. Durant l’occupation sous ce motif, l’utilisateur a la possibilité d’évaluer les compétences du travailleur intérimaire tandis que, de son côté, le travailleur intérimaire peut se familiariser avec l’environnement de travail.

Voici les grands principes applicables en la matière : 

1. Il ne peut être procédé à plus de trois tentatives différentes par poste vacant. En d’autres termes, trois travailleurs intérimaires différents au maximum peuvent être mis à la disposition d’un utilisateur en vue d’occuper un même poste vacant. L’employeur qui fait appel à un travailleur intérimaire doit communiquer à l’entreprise de travail intérimaire s’il s’agit d’une première, deuxième ou troisième tentative d’occupation. En cas de dépassement du nombre maximal de tentatives autorisées résultant d’informations erronées de la part de l’utilisateur, l’utilisateur et l’intérimaire pourront être considérés comme étant liés par un contrat de travail à durée indéterminée.

2. Chaque tentative peut avoir une durée de six mois maximum par travailleur intérimaire.

3. La durée maximale de l'occupation sous le motif insertion ne peut excéder 9 mois au total par poste de travail. Exemple : si trois travailleurs intérimaires différents sont mis à disposition en vue de l’occupation d’un poste de travail déterminé, la durée totale de leur occupation pour motif d’insertion ne pourra excéder neuf mois. 

N.B. : lorsque le travailleur intérimaire rompt unilatéralement le contrat ou lorsqu’il est licencié, il n’est pas tenu compte de cette période d’activité, ni pour le nombre maximum de tentatives ni pour la durée maximale de neuf mois.

4. Le contrat de travail écrit doit être conclu au minimum pour une semaine et au maximum pour six mois

5. L'entreprise de travail intérimaire doit accorder une garantie d'occupation pendant une période déterminée. Pour le travailleur qui a mis fin à un contrat à durée indéterminée pour être occupé immédiatement comme intérimaire sous le motif insertion, la garantie d’occupation est fixée à un mois. Si l’occupation par l’utilisateur prend fin avant l’échéance de la garantie d’occupation, l’entreprise de travail intérimaire a l’obligation de fournir un travail de remplacement au travailleur intérimaire jusqu’au terme du délai concerné. A défaut, l’entreprise de travail intérimaire sera tenue de payer une indemnité égale au montant de la rémunération restant à échoir jusqu'au terme de la garantie d'occupation. 

Si l'utilisateur engage à titre permanent le travailleur intérimaire après le recours au motif d’insertion, il doit en principe le faire au moyen d'un contrat de travail à durée indéterminée. Une dérogation sectorielle à ce principe est possible. Lorsque, à la suite de l'occupation comme intérimaire sous le motif insertion, le travailleur intérimaire n'est pas engagé, il est en droit d’obtenir les raisons de cette absence d’engagement.

Possibilité de mettre fin à un contrat de travail à durée déterminée ou pour un travail nettement défini moyennant préavis

Au vu de la disparition de la période d’essai, la suppression des délais de préavis réduits y afférents pouvait devenir problématique dans le cadre de la résiliation des contrats de travail pour une durée déterminée ou pour un travail nettement défini.

En effet, pour rappel, en dehors de la période d’essai, ces contrats ne pouvaient pas être résiliés prématurément, sauf pour faute grave. En cas de résiliation unilatérale par une des parties avant la date de fin prévue, cette partie devait payer à l’autre partie une indemnité égale à la rémunération restant due jusqu'à la fin du contrat de travail (avec un maximum du double du délai de préavis qui aurait dû être donné si le contrat avait été conclu pour une durée indéterminée).

Pour compenser la suppression de la période d’essai, le législateur a dès lors prévu la possibilité, sous certaines conditions, de mettre fin à un contrat de travail à durée déterminée ou pour un travail nettement défini prenant cours à partir du 1er janvier 2014 moyennant préavis.

Cette possibilité de résiliation ne peut être utilisée que pendant la première moitié de la durée convenue du contrat, avec un maximum de six mois. Il s’agit d’un délai fixe qui n’est pas suspendu en cas de suspension du contrat de travail.

Attention ! En cas de contrats de travail à durée déterminée successifs[2], cette possibilité de résiliation ne peut être appliquée qu’au premier contrat conclu par les parties.

Les délais de préavis applicables sont les délais « normaux », c.-à.-d. les mêmes délais que ceux qui sont d’application pour la résiliation d’un contrat à durée indéterminée :

  • Préavis donné par l’employeur :
Ancienneté Délai de préavis
0-3 mois 2 semaines
3-6 mois 4 semaines

 

  • Préavis donné par le travailleur :
Ancienneté Délai de préavis
0-3 mois 1 semaine
3-6 mois 2 semaines

 

La fin du contrat de travail doit toujours se situer dans la période durant laquelle un préavis est possible. Le dernier jour du délai de préavis doit se situer au plus tard le dernier jour de la période durant laquelle un préavis est possible. Ce n’est donc pas la prise d’effet du préavis qui est importante mais bien la date de la fin du contrat de travail. Si la fin du contrat de travail se situe après cette période, la partie qui a procédé à la résiliation doit payer à l’autre partie l’indemnité due selon les règles normales (= rémunération due jusqu’au terme du contrat avec un maximum de 2x ce qui aurait été dû dans le cas d’un contrat à durée indéterminée).


[1] Sauf contrat de travail intérimaire et contrat d’étudiant.
[2] Dans le respect des dérogations légales concernées.