La lutte contre l’écart salarial entre hommes et femmes enfin effective


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En septembre 2012, la loi visant à lutter contre l’écart salarial entre hommes et femmes est entrée en vigueur (voyez nos articles des 31 août 2012 et 28 août 2013).

Pour rappel, au niveau de l'entreprise, des mesures doivent être prises afin de rendre neutres sur le plan du genre les classifications de fonctions.

Ces mesures sont les suivantes :

  • obligation de ventiler les données salariales selon le genre des travailleurs dans le bilan social ;
  • obligation au sein de l'entreprise de faire une analyse biennale de la structure de rémunération en vue d'aboutir à une politique de rémunération neutre sur le plan de genre ;
  • désignation d'un médiateur intervenant quand un travailleur s'estime victime d'une inégalité de traitement en matière salariale sur la base de son genre.

Seule la première mesure était directement exécutoire. Par contre, l’application concrète des deux autres mesures dépendait encore de la publication d’arrêtés d’exécution. Ceux-ci ont finalement été publiés.

Remarque préalable : le nombre moyen de travailleurs dont question ci-après se calcule conformément à la législation sur les élections sociales.

1. Analyse de la structure de rémunération

Les entreprises occupant habituellement en moyenne cinquante travailleurs au moins doivent effectuer tous les deux ans une analyse détaillée afin de déterminer si l'entreprise mène une politique de rémunération neutre sur le plan du genre.

Pour ce faire, un rapport d’analyse doit être rédigé et communiqué au Conseil d’entreprise ou, à défaut, à la délégation syndicale.

Les informations demandées ne doivent pas être communiquées lorsque le nombre de travailleurs concernés est inférieur ou égal à trois. Lorsqu’une telle situation se présente, il n’est pas nécessaire de donner les informations concernant l’autre sexe.

1.1. Rapport complet

L’employeur qui occupe habituellement en moyenne 100 travailleurs au moins est tenu d’établir un rapport d’analyse conformément au modèle complet tel qu’établi par le Ministre de l’Emploi (pour une vue du modèle, cliquez ici).

Le rapport d'analyse reprend les données suivantes :

  • les rémunérations et les avantages sociaux directs (pour les travailleurs à temps partiel, ces éléments sont exprimés en équivalents temps plein)
  • les cotisations patronales pour les assurances extralégales ;
  • le total des autres avantages extralégaux octroyés en sus de la rémunération aux travailleurs ou à une partie des travailleurs.

Ces informations sont à ventiler chaque fois en fonction du genre des travailleurs et à communiquer selon une répartition basée sur les paramètres suivants :

  • le niveau de fonction réparti suivant les classes de fonction mentionnées dans le système de classification des fonctions applicables dans l’entreprise, ou à défaut, suivant la classification résiduaire de personnel d’exécution, personnel de cadre et personnel de direction ;
  • l'ancienneté de moins de dix ans, de dix à moins de vingt ans ou de vingt ans et plus acquises par le travailleur au sein de l’entreprise ;
  • le niveau de formation ou de qualification du travailleur (enseignement primaire, secondaire, bachelier ou master).

1.2. Rapport abrégé

L’employeur qui occupe habituellement en moyenne 50 travailleurs au moins mais moins de 100 travailleurs, peut établir un rapport d’analyse abrégé conformément au modèle tel qu’établi par le Ministre de l’Emploi (pour une vue du modèle, cliquez ici).

Le rapport d'analyse reprend les données suivantes :

  • les rémunérations et les avantages sociaux directs (pour les travailleurs à temps partiel, ces éléments sont exprimés en équivalents temps plein) ;
  • le total des autres avantages extralégaux octroyés en sus de la rémunération aux travailleurs ou à une partie des travailleurs.

Ces informations sont à ventiler chaque fois en fonction du genre des travailleurs et à communiquer selon une répartition basée sur les paramètres suivants :

  • l'ancienneté de moins de dix ans, de dix à moins de vingt ans ou de vingt ans et plus acquise par le travailleur au sein de l’entreprise ;
  • le niveau de formation ou de qualification du travailleur (enseignement primaire, secondaire, bachelier ou master).

1.3. Premier rapport

Le premier rapport pourra porter sur un seul exercice. Il sera relatif à l’exercice comptable clôturé en 2014.

Ensuite, le rapport sera présenté tous les deux ans et se rapportera à l’analyse de la rémunération portant sur deux exercices comptables.

Le rapport doit être communiqué aux membres du Conseil d'entreprise ou, à défaut, aux membres de la délégation syndicale, et être discuté dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice.

Sur la base de ce rapport, le Conseil d’entreprise ou, à défaut, la délégation syndicale, jugera de l’opportunité d’établir un plan d’action en vue de l’application d’une structure de rémunération neutre sur le plan du genre au sein de l’entreprise.

1.4. Sanction

L’employeur qui omet de transmettre un rapport d’analyse de la structure des rémunérations au Conseil d’entreprise (ou, à défaut, à la délégation syndicale), sera pénalisé d’une sanction de niveau 2 :

  • soit une amende pénale de 50 à 500 EUR (à majorer des décimes additionnels, soit x 6) ;
  • soit une amende administrative de 25 à 250 EUR (à majorer des décimes additionnels, soit x 6).

2. Désignation d’un médiateur

Sur proposition du Conseil d'entreprise ou, à défaut, de la délégation syndicale, l'employeur de chaque entreprise qui occupe habituellement en moyenne 50 travailleurs au moins peut désigner un médiateur parmi les membres du personnel. Cette désignation est facultative et n'est donc pas obligatoire.

2.1. Missions du médiateur

D'une manière générale, le médiateur aide l'employeur, les membres de la ligne hiérarchique et les travailleurs à appliquer les mesures prises pour lutter contre l'écart salarial. Il exerce sa fonction en toute autonomie et ne peut subir aucun préjudice en raison de sa mission.

Plus spécifiquement, le médiateur sera impliqué dans la politique de rémunération et dans la procédure de plainte.

En matière de politique de rémunération :

  • il fournit un avis éclairé aux employeurs et aux représentants des travailleurs en ce qui concerne l'opportunité d'établir un plan d'action en vue de parvenir à une structure de rémunération neutre sur le plan du genre au sein de l'entreprise et conseille ceux-ci dans sa rédaction ;
  • il conseille l'employeur et collabore avec lui dans le cadre de la rédaction du rapport d'avancement relatif à l'exécution du plan d'action.

En matière de plainte :

  • il entend le travailleur qui estime être victime d'une inégalité de traitement en matière salariale sur la base de son genre et l'informe de la possibilité de parvenir à une solution informelle en intervenant auprès du chef d'entreprise ou d'un membre de la ligne hiérarchique ;
  • il assiste l'employeur pour la concrétisation de la procédure à suivre par le travailleur qui s’estime victime d’une inégalité de traitement en matière salariale sur la base de son genre.

2.2. Compétences du médiateur

Le médiateur doit disposer des compétences en termes de savoir-faire et des connaissances nécessaires à l’accomplissement de ses missions ou doit les acquérir, en particulier en ce qui concerne :

  • l’analyse de la politique de rémunération en vue d’identifier les éléments d’une politique de rémunération qui n’est pas neutre sur le plan du genre ;
  • une connaissance générale des systèmes d'évaluation et de classification des fonctions ;
  • une connaissance des pratiques de rédaction et de mise en œuvre des plans d'action relatifs à une rémunération neutre sur le plan du genre ;
  • utiliser la « Checklist Non-sexisme dans l'évaluation et la classification des fonctions »élaborée par l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes ;
  • une connaissance de base de l'organisation et du fonctionnement de la concertation sociale au niveau de l'entreprise ;
  • les compétences et les techniques requises pour mener des entretiens de médiation et des négociations.

Le médiateur doit avoir la possibilité de suivre des formations pour acquérir ces connaissances ou les perfectionner. Les frais liés à ces formations et aux déplacements y afférents sont à charge de l’employeur. De plus, le temps y consacré est rémunéré comme temps de travail.

Les frais des éventuelles formations et les frais de déplacement y afférents incombent à l'employeur. Par ailleurs, le temps consacré à ces formations est rémunéré comme du temps de travail !

2.3. Déontologie

Le médiateur doit respecter quatre règles de déontologie :

  • il doit veiller à tout moment à adopter une attitude indépendante et impartiale ;
  • il est tenu au secret professionnel et doit préserver la confidentialité de ses dossiers ;
  • il doit informer les parties du caractère confidentiel des informations qui lui sont transmises et recueillir préalablement leur accord ;
  • il est responsable du traitement des données qu'il a reçues en sa qualité de médiateur (protection de la vie privée).

2.4. Procédure de médiation

Elle se déroule comme suit :

  • le travailleur qui s'estime victime d'une inégalité de traitement en matière salariale sur la base de son genre peut s'adresser au médiateur ;
  • le médiateur entend le travailleur dans un délai de 8 jours calendrier après le premier contact. Il l'informe sur la possibilité de rechercher une solution de manière informelle par le biais d'une intervention auprès d'un membre de la ligne hiérarchique. Il n'agit qu'avec l'accord du travailleur. Le processus de médiation nécessite l'accord des deux parties ;
  • le membre de la ligne hiérarchique informe par écrit le médiateur des mesures qu'il envisage prendre ;
  • le médiateur informe le travailleur de ces mesures ;
  • si la médiation informelle n'aboutit pas à une solution satisfaisante pour le travailleur, celui-ci peut déposer une plainte.

A la demande du conseil d'entreprise ou de la délégation syndicale, le médiateur établit un rapport de ses travaux, dans lequel il donne un aperçu de ses activités, constatations et recommandations, pour autant qu'il soit possible de préserver dans ce cadre l'anonymat des travailleurs concernés. Le médiateur assiste à l'examen de ce rapport.

Sources

Arrêté royal du 25 avril 2014 relatif au rapport d’analyse sur la structure de la rémunération des travailleurs, M.B., 15 mai 2014.

Arrêté ministériel du 25 avril 2014 fixant les modèles de formulaires devant servir de base au rapport d’analyse sur la structure de rémunération des travailleurs, M.B., 15 mai 2014.

Arrêté royal du 25 avril 2014 relatif au médiateur en matière de lutte contre l’écart salarial entre hommes et femmes, M.B., 21 mai 2014.