Licenciement d’un contractuel dans le secteur public : la Cour de Cassation a tranché.

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D’après notre Cour de cassation, l’employeur public qui licencie un de ses agents contractuels n’est pas tenu de respecter le prescrit de la loi relative à la motivation formelle des actes administratifs, ni de procéder obligatoirement et systématiquement à une audition préalable.

La motivation formelle du licenciement.

 

Cette question était controversée dans la doctrine et la jurisprudence du pays.

Du côté néerlandophone une tendance considérait que la finalité de la loi [1] est de régler la relation de l’autorité avec ses administrés. Cette loi ne s’applique pas à un licenciement de contractuel. Ce licenciement n’étant pas un acte administratif mais un acte privé ressortissant de la loi du 3 juillet 1978.

Par contre la quasi unanimité de la doctrine francophone considérait que le champ d’application de la loi est large et que la lettre de licenciement doit répondre aux conditions de la loi relative à la motivation formelle des actes administratifs et des principes de bonne administration.

Il était donc prudent pour l’employeur public de respecter cette motivation formelle notamment.

Sur les conséquences d’un défaut de motivation formelle la doctrine et la jurisprudence semblaient s’accorder pour dire que c’est le préavis qui est nul. Le congé restant acquis.

Ainsi s’il s’agissait d’un licenciement moyennant préavis la sanction est le paiement d’une indemnité de rupture. S’il s’agissait du paiement d’une indemnité de rupture celle-ci reste acquise.

Dans un arrêt du 12 octobre 2015 notre Cour de Cassation a tranché[2].

La Cour décide que ni la loi sur la motivation formelle des actes administratifs ni les principes généraux de bonne administration (dont l’obligation d’audition préalable) ne s’appliquent au licenciement d’un agent contractuel.

Attention cependant qu’il reste indispensable de vérifier si les statuts ou le règlement de travail n’ont pas prévu de telles procédures dans le cadre du licenciement de leurs travailleurs contractuels. Auquel cas il faut bien évidemment respecter l’application de ces procédures.

La problématique de l’article 63 de la loi du 3/7/1978.

 

Depuis le 1/4/2014 la question réside dans le fait que l’article 63 de la loi du 3/7/1978 continue à s’appliquer aux  travailleurs contractuels du secteur public.

Pour rappel l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 18/12/2014 s’est prononcé sur l’inconstitutionnalité de cet article que pour le secteur privé.[3]

Cet article prévoit en effet : «Est considéré comme licenciement abusif pour l'application du présent article, le licenciement d'un ouvrier engagé pour une durée indéterminée effectué pour des motifs qui n'ont aucun lien avec l'aptitude ou la conduite de l'ouvrier ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service.

En cas de contestation, la charge de la preuve des motifs du licenciement invoqués incombe à l'employeur.

L'employeur qui licencie abusivement un ouvrier engagé pour une durée indéterminée est tenu de payer à cet ouvrier une indemnité correspondant à la rémunération de six mois, sauf si une autre indemnisation est prévue par une convention collective de travail rendue obligatoire par le Roi. » 

En effet la loi sur le « statut » unique prévoit en ce qui concerne le secteur public  que dès qu’un régime analogue à celui du secteur privé (la CCT 109) sera applicable l’article 63 disparaîtra.[4]

En conclusion un employeur du secteur public devra toujours motiver le licenciement pour motif grave d’un de ses travailleurs contractuels.

Il devra en outre être en mesure de prouver à postériori que le licenciement d’un ouvrier engagé à durée indéterminée est lié à son aptitude son attitude au travail ou pour des raisons fondées sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service.


[1] Loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs
[2] Cass. 12 octobre 2015, n°S.13.0026N,www.juridat.be
[3] Cour constitutionnelle du 18/12/2014, 187/2014
[4] Article 38,2° de la loi du 26 décembre 2013