Championnat d’Europe de football au travail : droits et obligations de l'employeur

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A la veille du début de l’Euro de football en France, faisons un bref état des lieux des droits et obligations de l’employeur et de son personnel pendant celui-ci.

1. Un employeur, soucieux de renforcer les liens sociaux entre ses travailleurs, peut-il mettre en place des écrans afin de permettre à son personnel, après les heures de travail, de regarder les matchs dans une ambiance festive ?

La réponse à cette question est évidemment affirmative, cela représente d’ailleurs une excellente occasion d’entretenir l’esprit d’équipe au sein de l’entreprise. Cependant, il est important que certaines règles élémentaires, précisées ci-après (points 1.1. à 1.4.), soient respectées.

L’employeur veillera en tout état de cause à communiquer auprès de ses travailleurs que la participation à la fête se fait sur une base volontaire (c’est-à-dire sans y avoir été contraint moralement par son employeur) et en dehors des heures de travail, de manière à exclure tout état de subordination des travailleurs à l’égard de leur employeur pendant ledit événement. De cette manière, il limitera également l’étendue éventuelle de sa responsabilité en cas d’accident dont serait victime un travailleur sur le chemin du retour vers son domicile ou en cas de dommage causé à un tiers.

1.1. La mise à disposition, dans ce cadre, de boissons alcoolisées est-elle autorisée ?

La consommation excessive d’alcool n’est surement pas une bonne idée. En effet, cela pourrait être considéré comme une faute de l’employeur qui pourrait engager sa responsabilité. Il pourrait, en outre, être sanctionné pénalement pour abstention coupable en cas d’accident. Pour le reste, tout va dépendre de la politique préventive en matière de consommation d’alcool et de drogues prévue par l’entreprise dans son règlement de travail. Dans le cadre de cette politique, soit l’employeur fait le choix d’une tolérance zéro tant en termes de disponibilité que de consommation d’alcool sur le lieu de travail, soit, au contraire, il tolère celles-ci dans une mesure raisonnable à l’occasion, par exemple, d’événements festifs liés à l’entreprise. Dans ce dernier cas, la consommation raisonnable de boissons alcoolisées sera permise.

1.2. L’employeur doit-il organiser un moyen de transport afin d’assurer le retour en toute sécurité de ses travailleurs à leur domicile ?

L’employeur ne doit pas perdre de vue qu’il a l’obligation légale de veiller à la sécurité de ses travailleurs. Ainsi, afin de garantir cette sécurité et de limiter sa responsabilité éventuelle en cas d’accident survenant au sortir d’une fête trop arrosée ayant eu lieu dans les locaux de l’entreprise, il est important de fixer des règles précises en matière de consommation d’alcool. Il est également recommandé d’organiser le retour des travailleurs à leur domicile par un moyen de transport sûr (transports en commun, taxi, covoiturage ...) ou, à tout le moins, d’encourager ceux-ci à utiliser ce type de transports.

1.3. Quid si, sur le chemin du retour vers son domicile, un travailleur est victime d’un accident ? S’agit-il d’un accident (survenu sur le chemin) du travail ?

L’accident qui survient sur le trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement, est en principe couvert par l’assurance sur les accidents de travail (si toutes les conditions requises sont réunies).

Dans ce cadre, est en principe assimilée au « lieu de travail » la salle où est organisée une fête de l'entreprise à laquelle le travailleur ne peut moralement pas se soustraire. En l’espèce, dès l’instant où, comme précisé ci-dessus, il s’avère que l’événement a lieu en dehors des heures de travail et que le travailleur y participe de manière volontaire, il ne saurait être question de départ depuis le lieu de travail au sens où la loi entend cette notion de sorte que les conditions nécessaires à l’existence d’un accident (survenu sur le chemin) du travail ne seraient pas réunies. La situation serait différente si la fête était organisée durant les heures de travail normales, heures pendant lesquelles le travailleur est sous l’autorité de l’employeur.

De même, si le travailleur n’assiste pas au match dans les locaux de l’entreprise mais le suit dans un café où il consomme de l’alcool et qu’ensuite, il est victime d’un accident en retournant à son domicile, il est peu probable que l’assureur accident du travail admette qu’il s’agissait du « trajet normal » vers le domicile vu le détour prolongé par le café.

1.4. Quid si un travailleur cause un dommage à autrui ou commet une infraction au Code de la route suite à une fête organisée dans les locaux de l’entreprise ?

La loi prévoit que l’employeur est civilement responsable des dommages causés à des tiers par le fait d’un travailleur qu’il occupe lorsque le fait dommageable a été causé au cours de l’exercice du contrat de travail. Lorsqu’un évènement est organisé, soit pendant les heures de travail, soit sans que les travailleurs n’y participent sur base volontaire, l’employeur sera donc civilement responsable du dommage causé à autrui par l’un de ses travailleurs.

Une fois la victime indemnisée, l’employeur pourra cependant introduire un recours contre le travailleur si celui-ci a commis une faute lourde, une faute légère habituelle ou un dol.

2. Les travailleurs peuvent-ils, pendant leurs heures de travail, regarder un match ou suivre l’évolution du résultat de celui-ci via internet ?

Il est tout d’abord utile de rappeler que l’exécution de bonne foi du contrat de travail et l’obligation essentielle pesant sur le travailleur de fournir des prestations de travail empêchent qu’il suive un match complet de football pendant ses heures de travail à moins que l’employeur ne marque son accord.

Une fois cette considération générale rappelée, se pose la question de l’autorisation de l’utilisation, à des fins privées, de l’infrastructure informatique de l’employeur et du contrôle que ce dernier peut exercer à l’égard de ses travailleurs.

S’agissant de la première question, l’autorisation ou l’interdiction de l’usage privé d’internet (qui est avant tout un outil de travail mis à disposition des travailleurs) devra être réglée au niveau de l’entreprise, par la voie d’une convention collective de travail ou du règlement de travail. Ces règles détermineront, par exemple, que tout usage privé est strictement interdit ou que celui-ci n’est autorisé que pendant les temps de pause.

En ce qui concerne ensuite le contrôle pouvant être exercé par l’employeur sur cet usage privé éventuellement autorisé, il existe une réglementation très stricte en la matière, à savoir la convention collective de travail interprofessionnelle n°81. Cette CCT détermine les conditions d'un tel contrôle et selon quelles procédures il peut avoir lieu, tout en veillant au respect du droit à la vie privée des travailleurs sur leur lieu de travail.

Il est conseillé aux employeurs de se ménager la preuve que les travailleurs ont été informés des règles concernant l’utilisation au travail d’internet et des mesures de contrôle qui sont prévues.

3. Un travailleur peut-il imposer la modification de son horaire de travail afin de ne pas louper les matchs ?

Non, bien entendu. Toute modification d’un horaire de travail ne peut s’envisager que de manière concertée avec l’employeur par le biais d’un avenant au contrat de travail qui déterminera par exemple, un horaire de travail alternatif pendant toute la durée de l’Euro (ou uniquement les jours de match).

Il est également conseillé aux employeurs d’afficher les horaires alternatifs dans l’entreprise afin d’éviter, qu’en cas de contrôle, l’Inspection sociale considère comme des heures supplémentaires les heures prestées après l’horaire de travail normal.

4. Un travailleur peut-il être absent le lendemain d’une fête trop arrosée (absence autorisée) ?

La réponse à cette question est évidemment non. En cas d’absence, le travailleur doit prévenir son employeur et lui fournir un certificat médical, sauf si cela n’est pas exigé dans le règlement de travail. L’employeur a toujours la possibilité de soumettre le travailleur couvert par un certificat médical à un contrôle médical.

Lorsque le travailleur ne remet de pas de certificat médical, son employeur peut le mettre en demeure de justifier son absence si nécessaire. En cas d’absence injustifiée, la salaire garanti n’est pas du par l’employeur.

Il est conseillé aux employeurs de rappeler aux travailleurs les obligations qui leur incombent en cas d’absence de manière à dissuader les travailleurs de rester chez eux le lendemain d’un match.

Enfin, lorsqu’un travailleur arrive en retard, il est conseillé d’en prendre note par écrit et de mettre en demeure son travailleur d’arriver à temps au travail. Plusieurs retards injustifiés et répétés peuvent donner lieu à une sanction.

5. Les travailleurs peuvent-ils venir travailler affublés de la vareuse ou de tout autre accessoire de leur équipe favorite ?

La loi ne règle pas la question de la tenue vestimentaire des travailleurs salariés, sauf en ce qui concerne la sécurité et l’hygiène. Certaines balises devront néanmoins être respectées :

  • tout d’abord, l’analyse des risques menées par le conseiller en prévention pourrait conclure à la nécessité, pour certains travailleurs, de porter certains vêtements de travail et/ou de protection absolument indispensable à leur sécurité et/ou santé ; le travailleur qui ne respecterait pas les obligations découlant de ces prescriptions commettrait assurément un manquement contractuel ;
  • ensuite, le règlement de travail pourrait déterminer un code vestimentaire applicable à une certaine catégorie de travailleurs compte tenu, par exemple, de leurs contacts fréquents avec la clientèle ou des prospects ;
  • enfin, la loi sur les contrats de travail précise que le travailleur doit respecter les convenances et les bonnes mœurs pendant l’exécution de son contrat de travail, ce qui empêchera le travailleur de porter des tenues trop extravagantes.