Travailleurs malades : nouvelles mesures pour améliorer leur réintégration

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Le 1er décembre 2016, deux arrêtés royaux concernant la réintégration des travailleurs malades sont entrés en vigueur. L’objectif est d’accompagner les travailleurs en incapacité depuis une longue période et ceux ne pouvant plus travailler pour cause de maladie et de les aider à réintégrer le marché du travail. Entre-temps, la Commission des Affaires sociales a approuvé un projet de loi qui précise les aspects légaux pour les travailleurs inscrits dans un tel processus, notamment sur le plan du salaire garanti et de la procédure de licenciement pour incapacité de travail définitive.

Attention ! Ces mesures ne concernent que les travailleurs en incapacité de travail à la suite d’une maladie ou d’un accident de droit commun et non les travailleurs victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle !

I. Réintégration de travailleurs en incapacité au sein de leur propre entreprise

Dans ce cas de figure, le travailleur malade doit d’abord avoir la possibilité de retravailler dans sa propre entreprise. Le médecin du travail-conseiller en prévention jouera alors un rôle important, puisqu’il supervisera cette réintégration.

De qui peut émaner cette initiative ?

  • Du travailleur ou de son médecin traitant (avec l’accord du travailleur) et ce, peu importe la durée de l’incapacité ;
  • Du médecin-conseil de la mutuelle. Dans ce cas, il examinera dans les deux mois suivant la déclaration de l’incapacité de travail si le travailleur malade entre en ligne de compte pour une réintégration. S’il estime que c’est le cas, il transmettra le dossier du travailleur au médecin du travail-conseiller en prévention ;
  • De l’employeur, au plus tôt après 4 mois d’incapacité de travail ou quand il recevra un certificat du médecin traitant du travailleur, attestant de son incapacité définitive à effectuer le travail convenu.

Rôle du médecin du travail-conseiller en prévention

Dès qu’une des personnes reprises ci-dessous aura enclenché la procédure de réintégration, le médecin du travail-conseiller en prévention avertira l’employeur (si, évidemment, la demande n’émane pas de lui) et examinera la possibilité de réintégration dans les 40 jours ouvrables. Il n’agira pas seul, mais en concertation avec le travailleur, le médecin traitant du travailleur (après accord du travailleur) et le médecin-conseil de la mutuelle.  Le conseiller en prévention pour les aspects psychosociaux ou l’ergonomie peuvent également y être associés moyennant l'accord du travailleur au cas où les problèmes de santé du travailleur sont par exemple liés au stress, au burn-out ou aux problèmes de dos et nuque.

Après cette analyse, il prendra une décision :

  1. Soit le travailleur peut reprendre à terme sa fonction, éventuellement avec une adaptation du poste de travail, et le travailleur est en état d’effectuer entre-temps un travail adapté ou d’autres tâches chez l’employeur, éventuellement en adaptant le poste de travail ;
  2. Soit le travailleur peut, à terme, reprendre sa fonction, éventuellement avec une adaptation du poste de travail, mais n’est pas en état d’effectuer entre-temps un travail adapté ou d’autres tâches chez l’employeur ;
  3. Soit le travailleur est définitivement inapte à rependre sa fonction, mais est en état d’effectuer un travail adapté ou d’autres tâches chez l’employeur, éventuellement en adaptant le poste de travail ;
  4. Soit le travailleur est définitivement inapte à effectuer sa fonction et n’est pas en état d’effectuer un travail adapté ou d’autres tâches chez l’employeur ;
  5. Soit le médecin du travail – conseiller en prévention estime qu’il n’est pas opportun de démarrer un trajet de réintégration pour des raisons médicales. Dans ce cas, il réexaminera tous les deux mois la possibilité de démarrer un tel trajet. Cette décision ne peut toutefois pas être prise si l’initiative émane du médecin-conseil de la mutuelle.

Dans les premier et troisième cas, le médecin du travail-conseiller en prévention exposera les modalités du travail adapté, des autres tâches et de l’adaptation du poste de travail.

Il actera sa décision dans un formulaire de réintégration et en fournira une copie au travailleur et à l’employeur. S’il estime qu’aucun travail adapté ou ni d’autres tâches ne peuvent être effectués, il en fournira également une copie au médecin-conseil de la mutuelle.

Si le médecin du travail-conseiller en prévention juge que le travailleur est définitivement inapte (points 3 et 4), ce dernier dispose d’un délai de 7 jours ouvrables pour faire appel de cette décision, auprès du médecin – inspecteur social de la Direction Générale du Contrôle du bien-être au travail.

Établissement d’un plan de réintégration par l’employeur

Une fois que l’employeur a reçu l’avis de réintégration du médecin du travail-conseiller en prévention qui confirme le caractère temporaire de l’incapacité et la possibilité d’instaurer un travail différent ou adapté, il doit établir un plan de réintégration, en concertation avec le travailleur et le médecin du travail-conseiller en prévention. Ce plan doit contenir les mesures à prendre, de la façon la plus concrète et détaillée possible, à savoir la description des adaptations du poste de travail,  la description du travail adapté ou d'un autre travail , la nature de la formation proposée et la durée de validité du plan.

Ensuite, ce plan doit être présenté au médecin-conseil de la mutuelle qui décidera de la reprise progressive du travail ou de l’incapacité de travail, dans le cadre de la législation maladie-invalidité. Si nécessaire, l’employeur peut demander une adaptation de ce plan.

Enfin, le plan est proposé au travailleur, qui peut l’accepter ou le refuser, en motivant sa décision.

Un employeur qui, après concertation avec le travailleur et le médecin du travail-conseiller en prévention, n’établit aucun plan parce qu’il estime que cela est techniquement ou objectivement impossible, ou que cela ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés, doit motiver sa décision dans un rapport.

Si le médecin du travail-conseiller en prévention confirme l’inaptitude définitive du travailleur, l’employeur doit également établir un plan de réintégration, sauf si :

  • le médecin du travail-conseiller en prévention estime qu’aucun travail adapté n’est possible ou qu’aucune autre tâche ne peut être effectuée et que le travailleur a épuisé ses possibilités de recours contre cette décision ;
  • l’employeur a remis au médecin du travail-conseiller en prévention un rapport motivé, défendant que l'établissement d'un plan de réintégration est techniquement ou objectivement impossible, ou que l’établissement d’un plan ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés.

Dans ces deux cas, le processus de réintégration prend définitivement fin. Il en va de même si le travailleur n’accepte pas ce plan suite à l'inaptitude définitive, pour des raisons motivées.

L’exécution de ce plan est régulièrement suivie par le médecin du travail-conseiller en prévention, en concertation avec l’employeur et le travailleur. Le plan doit être tenu à la disposition des services d'inspection.

Suivi de la politique de réintégration au niveau de l’entreprise

Si l’employeur dispose d’un comité de prévention et de protection au travail, ce dernier jouera un rôle majeur, en développant une politique de réintégration au niveau de l’entreprise.

L’employeur doit régulièrement (au moins une fois par an) consulter ce comité par rapport aux possibilités, au niveau collectif,  d’adapter le travail, de prévoir d’autres tâches et d’adapter des postes de travail. Cela se fera en présence du médecin du travail-conseiller en prévention et, le cas échéant, des autres conseillers en prévention compétents. Une fois par an, la politique de réintégration collective sera évaluée en fonction d’un rapport du médecin du travail-conseiller en prévention. Si nécessaire, la politique de réintégration sera adaptée.

II. Réintégration de personnes en incapacité de travail sans contrat de travail

Cette mesure vise à réintégrer des bénéficiaires d’allocations qui ne sont plus occupés, en les accompagnant vers un nouvel emploi. Cette procédure débutera par une évaluation des capacités restantes de la personne concernée par le médecin-conseil de la mutuelle, qui aura lieu au plus tard deux mois après la déclaration de l’incapacité de travail.

Le médecin-conseil évaluera si l’intéressé est de nouveau apte à exercer un emploi sur le marché régulier du travail, éventuellement après un écolage ou une formation. Ensuite, il effectuera dans le mois un examen médico-social, afin de juger de la possibilité d’une remise au travail. Ses conclusions seront transmises au médecin traitant de l’intéressé.

Un plan de réintégration sera alors proposé, en concertation avec le médecin traitant. Le FOREM et ACTIRIS seront également consultés.

Enfin, le plan proposé sera communiqué à la personne concernée, que l’on convoquera pour un entretien. En cas d’accord avec le contenu du plan, les modalités seront reprises dans une convention, signée par les deux parties.

Ce plan fera l’objet d’un suivi trimestriel par le médecin-conseil.

III. Aspects légaux du trajet de réintégration

Le législateur a également prévu diverses dispositions afin de régler les aspects légaux du trajet de réintégration et de garantir la sécurité juridique du travailleur concerné.

Adaptation de la procédure de licenciement pour cause de force majeure médicale

La rupture du contrat de travail en raison d’une incapacité de travail définitive sera uniquement possible quand le trajet complet de réintégration (tel que détaillé dans le point I) sera terminé. Concrètement, un examen du travailleur par le médecin du travail-conseiller en prévention sera toujours nécessaire. Si le médecin juge alors que le travailleur est définitivement inapte à effectuer le travail convenu, et qu’aucun autre travail (adapté ou non) n’est possible, le contrat de travail peut être rompu pour cause de force majeure médicale.

Salaire garanti

La pratique actuelle des mutuelles est renforcée, car l’employeur ne doit plus verser de salaire garanti si le travailleur tombe de nouveau malade pendant la période où il effectue son travail adapté ou ses nouvelles tâches. Dans ce cas, le travailleur bénéficiera immédiatement des allocations de la mutuelle.

Calcul de l’indemnité de préavis

Si le contrat de travail est rompu pendant la période où le travailleur effectue le travail adapté ou de nouvelles tâches, l’indemnité de rupture devra être calculée selon la rémunération du contrat qui précédait l’instauration du travail adapté ou des autres tâches.

Priorité au maintien des conditions définies par le premier contrat de travail

Priorité sera donnée à la continuation des conditions du contrat de travail, telles que prévues avant la mise en place du travail adapté ou des tâches différentes, entre autres, par l’instauration d’une présomption légale. Ainsi, il ne sera pas question d’une suspension du contrat de travail pendant la période où le travailleur effectuera un travail adapté ou d’autres tâches et le délai de préavis ne sera pas suspendu si le travailleur est encore partiellement en incapacité de travail. Un travailleur initialement occupé à temps plein ne sera donc pas considéré comme un travailleur à temps partiel pendant cette période.

Quand il effectuera un autre travail ou des tâches adaptés, le travailleur conservera tous les avantages acquis. Néanmoins, le travailleur et l’employeur ont toujours la possibilité de conclure un avenant au contrat de travail, relatif à la rémunération, au volume de travail, aux horaires, au contenu du travail adapté ou des autres tâches, à la durée de validité de l’avenant, etc.

Entrée en vigeur

Les mesures détaillées aux points I et II ont déjà été publiées au Moniteur belge et sont en vigueur depuis le 1er décembre 2016. Ainsi :

  • Les travailleurs peuvent entamer un trajet de réintégration à partir du 01/01/2017, peu importe la date de début de l’incapacité de travail ;
  • Les employeurs peuvent entamer un trajet de réintégration à partir du 01/01/2017 pour les incapacités ayant débuté au 01/01/2016 et à partir du 01/01/2018 pour les incapacités antérieures au 01/01/2016 ;
  • Les médecins-conseils des mutuelles peuvent entamer un trajet de réintégration à partir du 01/12/2016, peu importe la date de début de l’incapacité.

Les aspects juridiques détaillés au point III font l’objet d’un projet de loi. Dès que ces éléments seront publiés au Moniteur belge, nous vous en informerons.