Représentants de commerce : la présomption d’apport de clientèle applicable même… lorsque la clause est nulle !

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D’après l’arrêt du 19 mars 2018 de la Cour de cassation, le représentant de commerce continue de profiter des effets de la clause de non-concurrence pour ce qui est de la présomption d’apport de clientèle même si ladite clause est nulle. Par conséquent, l’employeur lui sera redevable d’une indemnité d’éviction.

1. Principes

1. 1. La clause de non-concurrence : qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’une clause par laquelle le représentant de commerce s’interdit, lors de son départ de l’entreprise, d’exercer des activités similaires, soit en exploitant une entreprise personnelle, soit en entrant au service d’un employeur concurrent, ayant ainsi la possibilité de porter préjudice à l’entreprise qu’il a quittée en utilisant pour lui-même ou au profit d’un concurrent, les connaissances particulières qu’il a acquises dans l’entreprise.   

Les clauses de non-concurrence sont donc particulières en ce qu’elles génèrent une obligation post-contractuelle dans le chef du représentant de commerce. En effet, l’objet de cette clause est de faire naitre une obligation qui doit être honorée après la fin du contrat de travail. C’est pour cette raison que ces clauses voient leur validité conditionnée au respect de différentes conditions légales cumulatives.  Lesquelles sont-elles ?

- une rémunération annuelle supérieure à 34 180€ (montant 2018) ;

- la clause doit être constatée par écrit ;

- elle doit se rapporter à des activités similaires ;

- elle doit être géographiquement limitée ;

- elle ne peut excéder 12 mois.

Par ailleurs, la clause ne produit pas non plus d’effets s’il est mis fin au contrat durant les 6 premiers mois d’occupation ou, après cette période, par l’employeur sans motif grave.

En tout état de cause, il est acquis que lorsqu’une clause de non-concurrence ne respecte pas ces prescrits légaux, elle est nulle.

1.2. Quels sont les effets de la clause de non-concurrence ?

Lorsqu’il existe une clause de non-concurrence dans le contrat de travail du représentant de commerce, on présumera qu’il a apporté de la clientèle à son employeur. On parle de présomption d’apport de clientèle. L’employeur peut cependant renverser cette présomption en démontrant que l’employé n’a pas apporté de clientèle.

Si l’employeur ne parvient pas à apporter la preuve contraire, il sera redevable d’une indemnité d’éviction équivalente à 3 mois de rémunération au représentant de commerce qui a apporté une clientèle à moins qu’il n’établisse qu’il ne résulte de la rupture du contrat aucun préjudice pour le représentant de commerce.

2. Faits de la cause et décision de la Cour de cassation

En l’espèce, il s’agit d’un représentant de commerce dont le contrat à durée déterminée n’a pas été renouvelé. À l’échéance du dernier contrat, l’employé saisit le tribunal du travail de Liège afin d’obtenir de l’employeur qu’il lui paye notamment une indemnité d’éviction et ce en vertu de la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail. Il a été jugé que la clause de non-concurrence en question était nulle car elle ne satisfaisait pas aux conditions légales de validité relatives à la durée d’application et aux activités prohibées. Cette affaire est ensuite arrivée devant la Cour de cassation.

Selon la Cour de cassation, la circonstance qu’une clause de non-concurrence ne satisfasse pas aux conditions légales de validité ne porte pas atteinte à la présomption d’apport de clientèle. Il est certes acquis qu’une clause qui ne respecte pas les prescrits légaux est en elle-même nulle mais cela ne concerne pas ses effets alors qu’en principe, elle devrait être dépourvue de tout effet obligatoire entre les parties. En conséquence de cet arrêt, il résulte que la clause entachée de nullité continue malgré tout à créer une présomption d’apport de clientèle au profit du représentant de commerce. À défaut de renverser la présomption, l’employeur lui sera donc redevable d’une indemnité d’éviction.

3. Conclusion   

La clause de non-concurrence qui ne respecte pas les prescrits légaux est frappée de nullité relative. En d’autres termes, seul le travailleur pourra invoquer la nullité de cette clause. Dès lors, l’employeur averti évitera d’insérer une clause de non-concurrence qu’il sait nulle dans le contrat de travail dans le seul but de dissuader le représentant de commerce de lui porter concurrence au risque de devoir lui payer une indemnité d’éviction sans pour autant pouvoir exiger le respect de ladite clause.

 

Sources

- art. 85, 65 et 105 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, M.B., 22 aout 1978.

- Cass., 19 mars 2018, R.G. n°  S.160075.F.