Représentant de commerce : quand se détermine le droit à l’indemnité d’éviction ?

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Le travailleur ayant la qualité de représentant de commerce a droit à une indemnité d’éviction lorsque certaines conditions sont réunies. Cette qualité est appréciée au moment de la rupture effective du contrat de travail.

Le 22 février 2019, la Cour du travail de Bruxelles a eu l’occasion de se prononcer sur le moment où la qualité de représentant de commerce doit être appréciée afin que le travailleur puisse prétendre à une indemnité d’éviction. Nous revenons sur les principes applicables en la matière.

Qu’est-ce qu’une indemnité d’éviction ?

Une indemnité spéciale est due au représentant de commerce qui a apporté une clientèle. D’après la Cour de cassation, l'indemnité d’éviction a pour objectif  de réparer le préjudice causé au représentant de commerce par la perte de clientèle résultant de la rupture du contrat de travail du fait de l’employeur.

Cette indemnité n’est toutefois accordée qu’aux conditions cumulatives suivantes :

  • une rupture du fait de l’employeur ;
  • une occupation minimale d’un an en qualité de représentant de commerce ;
  • un apport de clientèle, qui fait l’objet d’une présomption au cas où une clause de non-concurrence a été prévue (dans le cas contraire, c’est au représentant d’en apporter la preuve) ;
  • un préjudice subi par le représentant.

Lorsque ces conditions sont remplies, l’employeur est tenu de verser une indemnité d’éviction au représentant de commerce. Le montant de celle-ci est fixé à 3 mois de rémunération et est augmenté, le cas échéant, d’un mois par période supplémentaire de 5 ans de service entamée chez le même employeur.

Que s’est-il passé ?

Dans l’arrêt prononcé par la Cour du Travail de Bruxelles, le travailleur a été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de représentant de commerce. Il ne satisfait toutefois pas aux attentes de sa fonction. Plusieurs avertissements lui sont alors adressés mais sans amélioration de sa part. Il est alors licencié moyennant la prestation d’un préavis de quatre mois et dix semaines.

Durant le préavis, le travailleur éprouvant des difficultés à réaliser ses missions de prospection, les parties conviennent qu’il exercera une nouvelle fonction de “télévendeur”.

Quelque temps après, l’employeur prend finalement la décision de licencier le travailleur moyennant le paiement d’une indemnité de rupture correspondant au solde du préavis restant à courir. Aucune indemnité d’éviction n’est payée.

Le travailleur estime quant à lui qu’il a droit au paiement de cette dernière. Il décide d’assigner la société devant les juridictions du travail et sollicite le paiement d’une indemnité d’éviction.

Qu’a décidé la Cour ?

La Cour rappelle que le travailleur qui réclame une indemnité d’éviction doit établir qu’il avait la qualité de représentant de commerce au moment de la rupture effective de son contrat de travail et non pas au jour de la notification de son préavis.

Elle relève qu’un travailleur qui possédait la qualité de représentant de commerce lors de la conclusion de son contrat de travail mais qui, en cours d’exécution, se voit attribuer une nouvelle fonction, ne peut prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction. Il en va de même en cas de modification de la fonction en cours de préavis.

Ainsi, en acceptant d’exercer la fonction de “télévendeur” durant son préavis, le travailleur n’avait plus la qualité de représentant de commerce lors de la rupture effective de son contrat de travail.

Par conséquent, la Cour en déduit que la dernière fonction exercée par le travailleur ne lui donne pas droit à une telle indemnité.

Que retenir ?

La qualité de représentant de commerce est appréciée au moment de la rupture effective du contrat de travail. En d’autres termes, le travailleur qui, en cours d’exécution de son contrat (même en période de préavis), perd la qualité de représentant de commerce et se voit attribuer une nouvelle fonction, perd également le droit à l’indemnité d’éviction.

 

Sources

Article 101 de la loi du 3 juillet 1978, M.B., 22 août 1978.

C. trav. Bruxelles, 22 février 2019, J.T.T., 2019, p. 348 à 350.