Deal pour l’emploi : économie de plateforme

Par 

Les travailleurs de plateforme doivent être occupés comme des travailleurs salariés dans certaines situations. Les travailleurs de plateforme indépendants peuvent bénéficier d’une protection contre les accidents de travail.


La loi du 3 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives au travail est parue au Moniteur Belge du 10 novembre 2022. Cette loi met en application les mesures prises dans le cadre du deal pour l’emploi.

Une de ces mesures concerne l’économie de plateforme.

L’économie de plateforme fait partie intégrante de notre monde moderne : des services sont proposés moyennant rémunération via des canaux digitaux et quiconque est intéressé peut s’inscrire. Chacun peut donc devenir un travailleur de plateforme. Pensons par exemple aux services de taxi, à la livraison de repas à domicile, au mystery shopping, etc. L’évolution de ce marché en plein essor a bien entendu donné lieu à des discussions sur le statut de ces travailleurs de plateforme. Il était donc grand temps que le gouvernement crée la sécurité juridique nécessaire et réfléchisse à une juste protection des travailleurs. En outre, une directive européenne sur le statut des travailleurs des plateformes est en cours d’élaboration.

Les décisions prises dans le deal pour l’emploi visent :

  • d’une part, à créer un cadre pour estimer si les tâches exercées via les plateformes relèvent d’un contrat de travail ou d’une collaboration indépendante,
  • d’autre part, à encadrer les accidents de travail des travailleurs de plateforme indépendants.

1. Travailleur de plateforme : salarié ou indépendant ?

Que prévoit le deal pour l’emploi pour estimer si un travailleur de plateforme est indépendant ou non ?

Le gouvernement a choisi d’appliquer un système similaire à celui qui existe déjà aujourd’hui pour les secteurs du transport, du nettoyage et de la construction, mais en l’adaptant spécifiquement à l’économie de plateforme.

Un certain nombre de critères seront utilisés pour établir si un travailleur de plateforme est salarié ou indépendant :

  1. L’exploitant de la plateforme peut exiger une exclusivité par rapport à son domaine d’activités.
  2. L’exploitant de la plateforme peut utiliser la géolocalisation, à des fins, autres que le bon fonctionnement de ses services de base.
  3. L’exploitant de la plateforme peut restreindre la liberté du travailleur de plateformes dans la manière d’exécuter le travail.
  4. L’exploitant de la plateforme peut limiter les niveaux de revenu d’un travailleur de plateformes, en particulier en payant des taux horaires et/ou en limitant le droit d’un travailleur de plateformes de refuser des propositions de travail sur la base du tarif proposé et/ou en ne lui permettant pas de fixer le prix de la prestation. Les accords collectifs sont exclus de cette clause.
  5. À l’exclusion des dispositions légales, notamment en matière de santé et de sécurité, applicables aux utilisateurs, clients ou travailleurs, l’exploitant de la plateforme peut exiger qu’un travailleur de plateforme respecte des règles contraignantes en ce qui concerne la présentation, le comportement à l’égard du destinataire du service ou l’exécution du travail.
  6. L’exploitant de la plateforme peut déterminer l’attribution de la priorité des futures offres de travail et/ou le montant offert pour une tâche et/ou la détermination des classements en utilisant des informations recueillies et en contrôlant l’exécution de la prestation, à l’exclusion du résultat de cette prestation, des travailleurs de plateformes à l’aide notamment de moyens électroniques.
  7. L’exploitant de la plateforme peut restreindre, y compris par des sanctions, la liberté d’organiser le travail, notamment la liberté de choisir les horaires de travail ou les périodes d’absence, d’accepter ou de refuser des tâches ou de recourir à des sous-traitants ou à des remplaçants, sauf, dans ce dernier cas, lorsque la loi restreint expressément la possibilité de recourir à des sous-traitants.
  8. L’exploitant de la plateforme peut restreindre la possibilité pour le travailleur de plateformes de se constituer une clientèle ou d’effectuer un travail pour un tiers en dehors de la plateforme.

Ces critères sont assez larges : certains s’inspirent de critères existants pour d’autres secteurs, d’autres sont repris de la directive européenne à venir. 

Comme dans les secteurs du nettoyage, du transport et de la construction, on présumera que le travailleur est salarié si un certain nombre de critères s’appliquent.

Pour l’économie de plateforme, ce sera le cas lorsque 3 des 8 critères sont remplis ou 2 des 5 derniers. Si le travailleur de plateforme est présumé être salarié, il devra disposer d’un contrat de travail avec l’opérateur, qui sera considéré comme son employeur.

La présomption est toutefois réfutable : par exemple, en utilisant les critères généraux déjà inscrits dans la législation fixant les relations de travail, comme la volonté des parties d’avoir une coopération indépendante, le fait que le travailleur de la plateforme ne soit pas soumis à l’autorité hiérarchique du donneur d’ordre ou le fait que le travailleur de la plateforme soit libre dans l’organisation de son travail et dans l’aménagement de ses horaires de travail et de ses pauses.

Cette mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

2. Assurance accidents du travail obligatoire pour les travailleurs de plateforme indépendants

De nombreux travailleurs de plateforme sont exposés à un risque d’accident durant leurs déplacements. Le gouvernement a donc tenté de leur offrir un filet de sécurité en toutes circonstances. Les travailleurs sous contrat de travail bénéficient automatiquement de l’assurance accidents du travail, mais pas les travailleurs indépendants.

Le deal pour l’emploi prévoit donc l’obligation pour l’exploitant de la plateforme de souscrire une assurance contre les accidents de travail du travail, même lorsque la coopération se fait sur une base indépendante. Il s’agit de garantir que, quelle que soit la nature de la relation, le travailleur de la plateforme soit toujours couvert en cas d’accident corporel survenant dans le cadre du travail.

Cette mesure sera mise en œuvre par un arrêté royal dont la date de publication doit encore être fixée.