Fin du contrat de travail pour cause de force majeure médicale: nouvelle procédure

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À partir du 28 novembre 2022, la fin du contrat de travail pour cause de force majeure médicale ne pourra être constatée qu’à l’issue de la nouvelle procédure de force majeure médicale. Cette procédure ne pourra être entamée que lorsqu’un travailleur se trouve en incapacité de travail depuis une période ininterrompue de 9 mois et qu’aucun trajet de réintégration ne soit en cours.


La loi du 30 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives à l’incapacité de travail réforme la procédure afin de constater la fin du contrat de travail pour force majeure médicale – c’est-à-dire sans délai de préavis à donner ni d’indemnité à payer. La procédure visant à invoquer une telle fin du contrat ne peut  être entamée qu’à la suite d’une incapacité de travail du travailleur d’une durée ininterrompue de 9 mois et à condition qu’aucun trajet de réintégration ne soit en cours. La trajet de réintégration, faisant précédemment partie de la procédure pour force majeure médicale, sera dorénavant découplée de celle-ci.

1. Conditions afin d’entamer une procédure pour force majeure médicale 

Jusqu’à présent, le trajet de réintégration devait avoir été poursuivi à son terme avant que la fin du contrat de travail pour force majeure médicale ne puisse être constatée. La nouvelle loi découple le trajet de réintégration de la procédure pour force majeure médicale. Cette scission des deux procédures vise à permettre d’une part une réintégration plus effective pour les travailleurs qui font l’objet d’un trajet de réintégration et d’autre part un constat de la fin du contrat de travail pour force majeure médicale pour les travailleurs qui ne sont plus apte à travailler pour des raisons médicales. Lisez-en plus sur le nouveau trajet de réintégration dans notre article.

À dater du 28 novembre 2022, l’employeur peut uniquement mettre fin au contrat de travail pour cause de force majeure médicale si une procédure spécifique a été poursuivie. La procédure ne peut être lancée que suite à une incapacité de travail du travailleur d’une durée ininterrompue de 9 mois et à condition qu’aucun trajet de réintégration ne soit en cours. Une reprise de travail effective par le travailleur interrompt donc la période de 9 mois, sauf si le travailleur se retrouve à nouveau en incapacité de travail endéans les 14 jours après la reprise. Dans ce dernier cas, la période n’est pas interrompue.

2. Déroulement de la procédure

La nouvelle procédure vise à déterminer si le travailleur est définitivement inapte à effectuer le travail convenu. Cette procédure comprend plusieurs étapes.

2.1 Engager la procédure

La demande visant à constater s’il est question d’incapacité définitive peut être introduite soit par le travailleur soit par l’employeur. Pour ce faire, la partie introduit la demande par voie recommandée. La demande doit être envoyée au conseiller en prévention-médecin du travail (ci-après : médecin du travail) ainsi qu’à l’autre partie à la relation de travail. Votre service de prévention externe peut vous fournir un modèle de demande. 

Si le travailleur introduit la demande, celui-ci notifie son intention de déterminer s’il est définitivement inapte à exercer le travail convenu.

Si l’employeur a pris l’initiative d’entamer la procédure, il notifie au travailleur, en plus de son intention de déterminer la situation de ce dernier (ci-dessus):

  • que le travailleur peut demander au médecin du travail d’examiner la possibilité d’un travail adapté ou d’un autre travail. Le travailleur bénéficie de cette option lorsqu’il est établi qu’il ne peut plus effectuer le travail convenu ;
  • que le travailleur peut être assisté par la délégation syndicale de l’entreprise.

2.2 Examen par le médecin du travail

Après réception de la notification par l’une des parties, le médecin du travail invite le travailleur pour un examen qui aura lieu au plus tôt 10 jours calendrier après la notification. Si le travailleur n'accepte pas à 3 invitations successives de la part du médecin du travail dans une période de 3 mois (il doit y avoir 14 jours calendrier entre chaque invitation), celui-ci le communique à l’employeur.

L’employeur confronté à cette situation, pourra directement réengager la procédure afin d’obtenir une réaction positive du travailleur ou de constater en cas d’absence de réaction du travailleur répétée une volonté dans le chef du travailleur de ne pas vouloir suivre les instructions de l’employeur. Ceci pourrait amener l’employeur à prendre des sanctions vis-à-vis du travailleur pouvant aboutir à un licenciement pour motif grave.

L’invitation du médecin du travail mentionne que le travailleur a le droit de se faire assister par la délégation syndicale de l’entreprise. S’il le juge nécessaire, le médecin du travail examine également à ce stade le poste de travail. Si le travailleur est accord, le médecin du travail peut consulter le médecin traitant, le médecin ayant établi le certificat médical et/ou le médecin conseil. Durant cette phase d’examen, le travailleur peut également demander que les possibilités d’un travail adapté ou à un autre travail soient examinées.

Sur la base de toutes ces informations, le médecin du travail examinera s’il est effectivement définitivement impossible pour le travailleur d’effectuer le travail convenu. Si tel est le cas, le médecin du travail reprend la justification médicale de cette constatation dans le dossier médical du travailleur.      

2.3 Constatations par le médecin du travail

Le médecin du travail communique sa constatation à l’employeur et au travailleur au plus tard dans un délai de 3 mois après réception de la notification par voie recommandée.

Le médecin du travail indique également si le travailleur a demandé d’examiner les possibilités pour un travail adapté ou un autre travail.

Si le travailleur en avait fait la demande initialement, les possibilités pour un travail adapté ou un autre travail doivent d’abord être examinées dans le cadre d’un trajet de réintégration. Lisez-en plus sur le nouveau trajet de réintégration dans notre article.  Dans ce cas, l’employeur évalue si un travail adapté ou un autre travail est possible dans l’entreprise en tenant compte des remarques du médecin du travail. L’employeur soumet le cas échéant au travailleur un plan pour un travail adapté ou un autre travail, sauf si l’établissement d’un tel plan pour un travail adapté ou un autre travail est techniquement ou objectivement impossible pour l’employeur ou bien s’il ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés. L’employeur établit alors un rapport motivé à ce propos.

Si le travailleur n’avait  avait pas encore fait la demande d’examiner les possibilités pour un travail adapté ou un autre travail, il peut encore le faire au moment où le médecin du travail communique sa constatation. Il dispose pour ce faire d’un délai supplémentaire de 7 jours calendrier (le « délai de réflexion ») après avoir reçu la constatation du médecin du travail afin que celui-ci examine les possibilités d’un travail adapté ou à un autre travail. La  demande du travailleur doit être motivée et adressée par recommandé à l’employeur et au médecin du travail.

Ce dernier convoque ensuite le travailleur pour un examen des conditions et modalités du travail adapté ou d’un autre travail. Dans les 30 jours calendrier suivant la demande du travailleur, le médecin du travail remet à l’employeur et au travailleur les conditions et modalités du travail adapté et l’employeur sera, le cas échéant, tenu d’examiner les possibilités de travail adapté ou d’un autre travail, comme pour le trajet de réintégration.

2.4. Possibilité d’appel à l’issue de l’examen

Si le travailleur n’est pas d’accord avec la constatation de son incapacité définitive d’effectuer le travail convenu, une procédure d’appel est prévue. Pour ce faire, le travailleur dispose d’un délai de 21 jours calendrier, prenant cours le jour suivant celui où le travailleur a reçu la constatation. Le travailleur doit faire appel par courrier recommandé qu’il fait parvenir à l’inspection sociale et à l’employeur.

Le médecin de l’inspection sociale, le médecin du travail et le médecin traitant décideront de cet appel à la majorité des voix. Leur décision doit être rendue au plus tard 42 jours calendrier suivant le jour où l’inspection sociale a reçu le courrier d’appel.

Si le travailleur obtient gain de cause en procédure appel, il n’est pas question d’incapacité définitive. Une nouvelle procédure pourra le cas échéant être lancée comme décrit ci-dessus à condition qu’une nouvelle période de 9 mois d’incapacité ininterrompue se soit écoulée.

Si le travailleur n’obtient pas gain de cause en procédure appel, l’incapacité définitive est établie. 

3.Quand le contrat peut-il prendre fin pour force majeure médicale?

Le contrat de travail ne peut prendre fin pour cause de force majeure médicale que si le médecin du travail a constaté (sans qu’il n’y ait encore un recours possible) qu’il est définitivement impossible pour le travailleur d’effectuer le travail convenu ét que:

  1. soit le travailleur n’a pas demandé d’examiner les possibilités d’un travail adapté ou à un autre travail; ou
  2. soit le travailleur a demandé d’examiner les possibilités d’un travail adapté ou à un autre travail (le cas échéant, après le délai de réflexion de 7 jours calendrier) mais que:
  • l’employeur a remis un rapport motivé en établissant qu’il est techniquement ou objectivement impossible d’établir un plan de travail adapté ou d’un autre travail ou bien qu’il ne peut être exigé de l’établir pour des motifs dûment justifiés;
  • le travailleur refuse le plan pour un travail adapté ou un autre travail proposé par l’employeur. Ce dernier remet alors le plan refusé au travailleur et au médecin du travail.

Bien que la fin du contrat de travail pour force majeure médicale est une situation indépendante de la volonté des parties, nous conseillons l’employeur à formaliser cette fin sous forme d’une convention signée entre parties.

4. Quid lorsque le travailleur n’est pas définitivement inapte pour le travail convenu?

Il se peut qu’après le déroulement de la procédure, il ne résulte pas qu’il est définitivement impossible pour le travailleur d’effectuer le travail convenu. Cette procédure se terminera alors sans suite.

Une nouvelle procédure peut-elle être entamée pour ce travailleur? Oui, mais à condition que celui-ci se trouve à nouveau en incapacité de travail durant une période ininterrompue de 9 mois. Ce délai prendra cours le jour suivant la réception de la constatation du médecin du travail, soit le jour suivant la réception du résultat de la procédure d’appel si le travailleur a fait usage de la procédure d’appel.

Peut-on commencer un trajet de réintégration à ce stade? Oui, à condition que soit le médecin de l’inspection sociale (dans le cadre la procédure d’appel) soit le médecin du travail constate qu’il n’existe pas d’incapacité définitive à effectuer le travail convenu.

À côté de cette nouvelle procédure, l’employeur conserve le droit de mettre fin au contrat de travail moyennant un préavis à respecter ou une indemnité à payer conformément aux dispositions réglant la fin du contrat de travail. L’employeur veillera toutefois à ne pas violer l’interdiction de discrimination en raison de l’état de santé.

5. Entrée en vigueur

Cette nouvelle procédure entre en vigueur le 10ème jour suivant sa publication au Moniteur Belge, donc le 28 novembre 2022.

6. Procédures en cours

Le nouveau trajet de réintégration est, quant à lui, entré en vigueur le 1er octobre 2022. La faculté pour le travailleur de demander l’examen d’un travail adapté ou d’un autre travail lors de la procédure de force majeure médicale renvoie précisément  à ce trajet de réintégration.

La réglementation ne prévoit aucune disposition transitoire pour les trajets de réintégration visant la reprise du travail par le travailleur qui sont en cours et pour lesquels une fin du contrat de travail pour force majeure médicale est possible selon l’ancienne procédure. À dater du 28 novembre 2022, une telle issue pour les trajets de réintégration visés n’est plus possible. La nouvelle procédure pour force majeure médicale est donc directement applicable à ces trajets, peu importe que le formulaire de réintégration délivré par le médecin du travail ait été délivré avant ou après le 1er octobre 2022.

 

 

Sources:

loi du 30 octobre 2022 portant des dispositions diverses relatives à l’incapacité de travail, M.B. du 18 novembre 2022;

les dispositions du chapitre VI du Titre 4 du code du bien-être au travail du 28 avril 2017.