Un travailleur en incapacité peut-il être licencié ?

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Un travailleur malade peut être licencié. Il convient toutefois d’avoir suffisamment d’arguments et d’un dossier bien ficelé, au risque de voir le travailleur demander des dommages et intérêts pour discrimination ou licenciement manifestement déraisonnable.


La réglementation luttant contre la discrimination prévoit plusieurs interdictions explicites de discrimination dans les relations de travail. La loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination du 10 mai 2007 prévoit notamment que  « l’état de santé » ne peut pas donner lieu à une forme de discrimination. Si l’employeur transgresse cette interdiction, le travailleur peut réclamer une indemnité forfaitaire égale à six mois de rémunération. En outre, un licenciement peut être considéré comme manifestement déraisonnable selon la CCT no 109 portant sur la motivation d’un licenciement. Dans ce cas, une indemnité comprise entre 3 et 17 semaines est prévue.

Un travailleur en incapacité n’est pas protégé contre le licenciement. Autrement dit, un licenciement reste possible, tant que le travailleur ne fait pas l’objet d’une discrimination en raison de sa maladie et que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable. La maladie du travailleur ne peut donc pas être le motif du licenciement. Le motif avancé doit être valable et suffisant, et uniquement être lié à :

  • « l’aptitude » ou « le comportement » du travailleur (incompétence, mauvais travail, erreurs, nonchalance…),
  • « les nécessités » relatives au fonctionnement de l’entreprise (raisons techniques, organisationnelles, économiques/financières, etc.).

Les conséquences organisationnelles ou financières de l’absence du travailleur peuvent être justifiées par des absences fréquentes, de longue durée et imprévisibles. Un juge sera d’ailleurs plus enclin à accepter un licenciement dans ce cas de figure qu’en cas d’absences de courte durée ou planifiées. Gardez toujours à l’esprit que vous devez être en mesure de prouver les conséquences négatives des absences !

Il peut s’agir, par exemple, de déclarations d’autres travailleurs se plaignant d’effectuer des heures supplémentaires pour faire face au travail supplémentaire, d’une déclaration du FOREM ou d’une agence d’intérim indiquant qu’il est difficile de trouver des remplaçants pour le poste en question à court terme… Ou au minimum, montrer que des solutions ont été cherchées, mais qu’elles n’étaient pas réalisables en raison de leur coût ou qu’elles ne résolvaient pas les problèmes d’organisation. En tout état de cause, préparez correctement le licenciement et fournissez une justification raisonnable, objective et concluante.

Les juges prennent également en compte les éléments suivants lorsqu’ils évaluent des problèmes d’organisation :

  • le travailleur a une fonction spécifique, difficile à remplacer ;
  • il s’agit d’une petite entreprise qui a plus de mal qu’une grande à absorber les absences ;
  • les prolongations sont de courte durée (par exemple, un mois à chaque fois) ;
  • le travailleur avertit du prolongement de son absence toujours au dernier moment ;
  • la charge de travail est élevée pour les collègues qui doivent assumer les tâches du travailleur absent ;
  • la personne qui remplace le travailleur absent est dans une incertitude permanente ;
  • d’autres raisons, comme la baisse de la productivité du travailleur ;
  • le comportement du travailleur lui-même, lorsque, par exemple, il ne s’implique pas dans un trajet de réintégration ou qu’il fait preuve d’un manque de communication/coopération.

Toutefois, les chances de remporter ce genre d’affaires dépendent des circonstances spécifiques entourant le licenciement. En effet, la jurisprudence devient de plus en plus stricte à ce sujet.

Bon à savoir : Ne mentionnez pas « maladie » ou « absence pour cause de maladie » dans la lettre de licenciement ou sur le C4, mais plutôt « problèmes d’organisation dus à de nombreuses absences ».

En cas de litige et si le travailleur avance une discrimination fondée sur son état de santé, la législation en la matière prévoit une exception à la charge de la preuve entre les parties : si la victime (présumée) peut alléguer des faits qui suggèrent l’existence d’une discrimination interdite par cette loi, c’est à l’autre partie de prouver qu’il n’y a pas eu discrimination. Plus concrètement, si le travailleur peut convaincre le juge qu’il existe au moins une suspicion de discrimination fondée sur son état de santé, c’est à l’employeur de prouver le contraire. Vous devrez alors prouver que le licenciement n’était pas lié à l’état de santé et que le licenciement était approprié et nécessaire.

Vous pouvez rompre immédiatement le contrat de travail en versant une indemnité de rupture, ou faire prester un préavis au travailleur. Dans ce cas, le délai de préavis ne peut commencer à courir qu’à partir du moment où le travailleur reprend son travail.