Un travailleur s’absente sans justification. Puis-je le licencier pour motif grave ?

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Dans certains cas, une absence injustifiée peut mener à un licenciement pour motif grave. Ce genre de situation doit néanmoins être analysée au cas par cas, et vous devrez toujours suivre une procédure stricte.


Lorsqu’un travailleur ne se rend pas sur son lieu de travail, sans raison, sans en avoir eu l’autorisation de l’employeur ou sans avoir signalé cette absence, il s’agit d’une absence injustifiée. Dans certains cas de force majeure, il est toutefois possible que le travailleur ne puisse pas avertir tout de suite son employeur. Il devra alors le faire le plus rapidement possible.

On entend par motif grave toute faute qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur. Cette définition est assez générale et il n’existe pas de liste exhaustive de motifs graves. Il s’agit donc toujours d’une question de faits, où l’employeur qui invoque un motif grave devra en fournir la preuve. Les faits doivent néanmoins être suffisamment sérieux, et les chances d’aboutir au licenciement dépendent des éléments concrets du dossier. En effet, toute absence injustifiée n’implique pas toujours un licenciement pour motif grave. L’avantage d’une rupture pour motif grave est que le contrat de travail se termine immédiatement, sans indemnité de rupture.

Il faut distinguer deux types d’absences injustifiées :

  • une absence de quelques heures ou de deux jours au maximum (« l’absence courte ») ;
  • une absence de plus longue durée (« l’absence prolongée »).

1. Que dit la jurisprudence ?

La jurisprudence est assez stricte par rapport au licenciement pour motif grave à cause d’une absence injustifiée.

Ainsi, une absence courte (voir ci-dessus) ne justifie pas en principe un tel licenciement. Il en va en revanche autrement lorsque d’autres manquements sont reprochés au travailleur, comme de l’insubordination (il persiste à commettre les mêmes fautes après des mises en demeure ou des avertissements écrits), des signes de malhonnêteté (il utilise sciemment mal la pointeuse pour quitter le travail plus tôt), etc. Toutefois, il convient d’être prudent, car un juge peut considérer un licenciement pour motif grave pas assez étayé comme un licenciement manifestement déraisonnable (pour lequel une indemnité supplémentaire de 3 à 17 semaines de rémunération sera due).

D’autres éléments doivent aussi être pris en compte pour évaluer une absence courte : les conséquences de l’absence et sa durée, l’existence ou non d’avertissement, la présence ou non d’une clause à ce sujet dans le règlement de travail ou encore la fonction et l’ancienneté du travailleur.

Exemple : Selon la cour du travail de Liège, le fait qu’un employeur ait demandé à son travailleur en vain et à huit reprises (cinq fois par courrier simple et trois fois par courrier recommandé de justifier ses absences) est suffisant pour justifier un licenciement pour motif grave.

Pour une absence injustifiée plus longue, le licenciement pour motif grave a plus de chance d’aboutir. La question de la bonne foi – ou non – du travailleur sera déterminante. Le critère décisif est donc l’existence – ou non – d’un manquement grave de la part du travailleur.

Exemple : des absences injustifiées d’une semaine - sans cas de force majeure - sont généralement considérées par la jurisprudence comme suffisantes pour un licenciement pour motif grave.

Gardez à l’esprit que chaque situation est différente et que les chances d’aboutir dépendent des faits concrets qui se sont produits. Si le travailleur conteste son licenciement, l’affaire pourra être portée en justice et ce sera toujours le tribunal du travail qui se prononcera.

2. Comment licencier un travailleur pour motif grave ?

Avant de procéder à un licenciement pour motif grave, il faut constituer un dossier solide pour montrer les manquements et prouver que le travailleur en a bien été informé.

Dans un premier temps, il est préférable de contacter le travailleur pour connaître les raisons de son absence. Il peut en effet s’agir d’un cas de force majeure (le travailleur a peut-être dû emmener son enfant à l’hôpital en urgence ou il a peut-être eu un accident de la route et est dans le coma). Cette tentative de contact peut se faire par mail, SMS ou téléphone, mais gardez-en une trace objective (par exemple, une copie du mail avec le jour et la date d’envoi, un SMS avec accusé de réception…).

Un premier avertissement pourra alors lui être envoyé par courrier recommandé. Le travailleur doit avoir le temps nécessaire pour y réagir, comme trois jours ouvrables à compter de la date de réception. S’il ne réagit pas, il est conseillé d’envoyer un deuxième avertissement, tout en prévoyant de nouveau un délai raisonnable (par exemple, toujours trois jours ouvrables à compter de la date de réception) pour réagir.

Astuce : Les lettres recommandées doivent être envoyées à la dernière adresse connue fournie par le travailleur. Pour éviter que le travailleur affirme « ne pas avoir vu le courrier » ou « ne pas avoir été présent à cette adresse », une copie du courrier peut être envoyée par mail, par courrier simple ou à une adresse où il séjourne habituellement. Dans ce cas, le courrier doit mentionner que l’envoi s’est fait à la fois par recommandé, et à la fois par envoi simple.

Si, après le deuxième avertissement, le travailleur n’est toujours pas revenu ou n’a toujours pas justifié son absence, un licenciement pour motif grave devient possible.

Attention ! la procédure prévue doit être strictement suivie, sous peine de nullité !

3. Et si le travailleur est en incapacité ?

En cas de maladie (ou d’accident de travail), le règlement de travail ou une convention collective de travail peut prévoir qu’un certificat médical doit être présenté dans les deux jours ouvrables. La présentation tardive d’un certificat ne constitue pas un motif grave. La loi sur les contrats de travail prévoit en effet une sanction particulière pour ce manquement : le travailleur n’a pas droit au salaire garanti pour les jours d’absence précédant la remise de ce certificat, s’il ne le remet pas dans les deux jours (sauf cas de force majeure).

Si l’absence se prolonge au-delà de la période mentionnée dans le certificat, il existe, selon la jurisprudence, une présomption d’incapacité de travail prolongée. Ainsi, même dans ce cas, le licenciement pour motif grave n’est pas automatique.

Astuce : Indiquez dans votre règlement de travail que la non-présentation d’un certificat médical et une absence injustifiée sont considérées comme des motifs graves. Cela n’offre pas de certitude absolue, mais peut renforcer votre position devant un tribunal. N’oubliez pas que des avertissements devront quoi qu’il en soit toujours être envoyés au travailleur !