La Cour de cassation s’est prononcée sur l’indemnisation du temps de garde

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Dans son arrêt du 13 novembre 2023, la Cour de cassation a qualifié de temps de travail le temps de garde à domicile du travailleur tenu de reprendre le travail dans un délai fort court en cas de rappel, cette contrainte l’empêchant de disposer librement de son temps. Pour la Cour, la rémunération horaire est due pour ce temps de travail, aucune rémunération spécifique du temps de garde n’ayant été fixée dans une convention entre parties ou dans une convention collective de travail.


Le temps de garde à domicile peut constituer du temps de travail

Dans l’affaire jugée par la Cour, le travailleur effectuant des services de garde ne devait pas séjourner à un endroit spécifique mais sa liberté de mouvement était néanmoins fort limitée en raison du délai très court dans lequel il devait reprendre le travail après un appel.

Après avoir rappelé que le temps de travail est le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur, la Cour a considéré que le temps de garde du travailleur constituait du temps de travail en raison des contraintes affectant significativement la faculté du travailleur à disposer librement de son temps : “Même s’il n’est pas tenu de demeurer sur le lieu de travail, à son domicile ou en un autre lieu de séjour, le temps de garde au cours duquel le travailleur doit être disponible en permanence et est soumis à des obligations, imposées par l’employeur, notamment de délai pour reprendre le travail, qui restreignent de manière objective et très significative la faculté qu’il a de gérer librement le temps de ces périodes pendant lequel les services professionnels ne sont pas sollicités, doit être considéré comme temps de travail.”

Par ce jugement, la Cour de cassation confirme la jurisprudence européenne en vigueur de la Cour de justice.

Quelle rémunération pour le temps de garde ?

La Cour a tout d’abord rappelé que la rémunération est la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail et que l’obligation de l’employeur de payer la rémunération est une conséquence nécessaire de l’exécution d’un travail en vertu du contrat de travail.

La Cour a ensuite précisé qu’une rémunération différente peut être prévue pour des prestations de travail de nature différente. Mais, lorsque la rémunération est fixée par heure de travail sans distinction selon la nature des prestations, cette rémunération est due pour l’ensemble des heures du travail effectués en exécution du contrat de travail et donc pour les heures de garde à domicile qui constituent du temps de travail (dès lors que le travailleur est à la disposition de l’employeur durant ces heures).

Dans cette affaire, la Cour n’a pas suivi le raisonnement de l’employeur selon lequel les heures de garde ne donnent droit à la rémunération fixée pour les autres prestations de travail qu’à condition que cela soit expressément prévu pour ce temps de travail particulier dans la convention des parties ou dans une convention collective de travail. L’employeur soutenait qu’aucune rémunération n’était due pour ce gemps de garde car aucune rémunération n’avait été expressément convenue ni réglée pour ce service de garde.

La Cour a jugé au contraire que la rémunération horaire était due pour ces heures de garde effectuées en exécution du contrat de travail et constituant du temps de travail

Implications pour les employeurs

Les prestations de travail d’un autre type effectuées en exécution du contrat de travail peuvent être rémunérées différemment. Il est donc possible de prévoir une autre indemnisation pour le service de garde, période pendant laquelle le travailleur « attend », même lorsque ce temps d’attente est du temps de travail.

Mais si le salaire convenu ne fait pas de distinction selon le type de prestation de travail, ce salaire horaire est également dû pour le service de garde dès lors qu’il s’agit de temps de travail.

Les employeurs qui font prester des services de garde à des travailleurs ont intérêt à conclure des accords concernant l’indemnisation de ces services de garde. Ils peuvent librement convenir d’une autre indemnisation pour un service de garde que le salaire dû pour des prestations de travail ordinaires, et cela même si le service de garde constitue du temps de travail et qu’il s’agit simultanément d’une prestation de travail en exécution du contrat de travail. A défaut d’une telle convention, la rémunération horaire sera due pour le temps de garde s’il constitue du temps de travail et s’il s’agit d’une prestation de travail en exécution du contrat de travail.

Attention, l’employeur doit toujours vérifier s’il n’existe pas pour son secteur d’activité une source de droit supérieure contenant des règles à respecter à ce sujet : certains secteurs d’activité ont en effet conclu une CCT sectorielle sur l’indemnisation du temps de garde.

Source : Cour de cassation, 13 novembre 2023, S.23.0011.F