Secteur public : bientôt un cadre juridique pour la motivation du licenciement des travailleurs contractuels !

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Après 10 ans d’absence législative, le secteur public disposera prochainement de sa propre réglementation relative à la motivation du licenciement des travailleurs contractuels.


Ce 18 janvier 2024, un projet de loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public a été déposé à la Chambre. Ce projet de loi a pour but d’établir, pour ces travailleurs, un cadre juridique analogue à celui déjà existant pour les travailleurs du secteur privé.

Avant de parcourir ce que prévoit cette future réglementation, il y a lieu de rappeler son contexte.

1. Rétroactes

En 2013, la loi sur le statut unique avait prévu que le régime de licenciement abusif des ouvriers cesserait de s’appliquer :

  • pour le secteur privé, à partir de l’entrée en vigueur d’une convention collective de travail du CNT relative à la motivation du licenciement ;
  • pour le secteur public, à partir de l’entrée en vigueur d’un régime analogue à celui prévu par la CCT du CNT.

Cette mesure avait été prise afin de supprimer l’insécurité juridique liée à une différence de traitement entre ouvriers et employés concernant les possibilités de contestation de leur licenciement.

Dans le secteur privé, la CCT n° 109 concernant la motivation du licenciement est en vigueur depuis le 1er avril 2014.

Pour le secteur public, par contre, aucun régime analogue à celui prévu dans le secteur privé n’a été instauré.

Souhaitant pallier les lacunes du législateur, la Cour constitutionnelle a indiqué, dans un arrêt du 30 juin 2016, que : « dans l’attente de l’intervention du législateur, il appartient aux juridictions, en application du droit commun des obligations, de garantir sans discrimination les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable, en s’inspirant, le cas échéant, de la convention collective de travail n° 109 ». La Cour a rappelé cette position dans un arrêt du 5 juillet 2018.

Avec ce projet de loi déposé à la Chambre, l’intervention tant attendue du législateur est enfin arrivée.

2. Projet de réglementation

2.1. Champ d’application

Cette réglementation est applicable aux travailleurs sous contrat de travail dont l’employeur ne relève pas du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.

De manière similaire au régime institué par la CCT n° 109, elle ne s’applique pas aux travailleurs licenciés :

  • durant les 6 premiers mois d’occupation ;
  • durant un contrat de travail intérimaire ;
  • durant un contrat d’occupation d’étudiants ;
  • en vue de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée à partir du 1er jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge légal de la pension.

Cette réglementation ne s’applique pas non plus aux travailleurs licenciés pour motif grave ou qui font l’objet d’un licenciement pour lequel l’employeur doit suivre une procédure spéciale de licenciement fixée par ou en vertu d’une norme législative.

2.2. Audition préalable

L’employeur qui envisage de licencier un travailleur pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement doit l’inviter à une audition préalable et recueillir ses explications concernant les faits et les motifs de la décision envisagée. Ces faits et motifs sont préalablement communiqués au travailleur moyennant un délai suffisant afin qu’il puisse préparer son audition ou formuler des observations écrites. Contrairement au régime de la CCT n° 109, un droit à l’audition préalable est consacré pour le travailleur du secteur public.

Si, après l’audition préalable, l’employeur procède au licenciement, la notification du congé doit se faire par écrit et mentionner les motifs concrets du licenciement ainsi que les éléments qui permettent au travailleur de connaître ces motifs. Il ne s’agit donc pas d’une « motivation à la demande » comme dans la CCT n° 109 : l’employeur public est obligé de transmettre directement les motifs du licenciement au travailleur.

Désormais, si l’employeur ne réalise pas d’audition préalable ou ne communique pas les motifs concrets ayant conduit au licenciement, il est redevable d’une indemnité correspondant à 2 semaines de rémunération. La notification du congé reste toutefois valable.

2.3. Licenciement manifestement déraisonnable

Comme son homologue du secteur privé, l’employeur du secteur public ne peut pas procéder à un licenciement manifestement déraisonnable.

La définition du licenciement manifestement déraisonnable prévue dans ce projet de réglementation est exactement la même que celle figurant dans la CCT n° 109.

Par licenciement manifestement déraisonnable, on entend donc le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée, qui se base sur des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable.

Comme dans le secteur privé, l’employeur ayant procédé à un licenciement manifestement déraisonnable est redevable d’une indemnité correspondant au minimum à 3 semaines de rémunération et au maximum à 17 semaines de rémunération. Cette indemnité n’est pas cumulable avec toute autre indemnité qui est due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’une indemnité d’éviction ou d’une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales.

Le législateur précise que cette indemnité ne peut être cumulée avec d’autres indemnités qui sont prévues dans le cadre d’une procédure spéciale de licenciement, à l’exception de l’indemnité visée au point 2.2.

2.4. Charge de la preuve

Il est prévu que la charge de la preuve est réglée par le droit commun de la preuve (chacune des parties a la charge de prouver les faits qu’elle avance), à moins que l’employeur n’ait pas communiqué au travailleur les motifs ayant conduit à son licenciement. Le cas échéant, il revient à l’employeur d’établir que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.

Attention ! Cette réglementation n’est encore qu’un projet. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés dès qu’elle sera confirmée et officialisée.

Source : Projet de loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public, la Chambre, Doc. n° 3754.