FAQ : Audition préalable dans le secteur public

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A partir du 1er mai 2024, la loi sur la motivation du licenciement des travailleurs contractuels du secteur public impose à l’employeur de procéder à l’audition préalable du travailleur quand un licenciement est envisagé pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement. En quoi consiste cette obligation d’audition préalable ?


Avant d’être consacrée comme un droit par la nouvelle loi, l’audition préalable est avant tout un principe général de bonne administration qui impose à une autorité publique d’entendre une personne avant de prendre à son égard une mesure grave liée à sa personne ou à son comportement. Cette audition préalable doit permettre à la personne concernée de défendre utilement sa position.

La loi reste assez laconique sur la manière dont doit être organisée cette audition. Pour exécuter au mieux cette obligation, voici quelques principes et bonnes pratiques tirés de la doctrine et de la jurisprudence.

1. Quand et comment avertir le travailleur ?

Suivant la loi, le travailleur doit être averti des faits et des motifs de la décision envisagée dans un délai suffisant pour préparer son audition.

Le législateur n’a pas précisé ce qu’il entend par « délai suffisant ». Ce délai n’a jamais été clairement précisé par la doctrine ou la jurisprudence. Un délai minimum de 5 jours ouvrables est conseillé.

A noter que si une procédure de licenciement organisant une audition préalable est déjà fixée dans des statuts, il convient de respecter les modalités de cette procédure et notamment les dispositions relatives aux délais.

Le législateur n’a pas précisé comment le travailleur doit être averti. Il est conseillé d’envoyer une convocation écrite au travailleur. Dans la convocation écrite, il est recommandé d’y inscrire :

  • la décision envisagée (le licenciement) ;
  • les faits et les motifs de la décision envisagée  ;
  • le droit pour le travailleur de se faire assister par la personne de son choix (avocat ou délégué syndical) ;
  • le droit de faire entendre des témoins ;
  • le droit de consulter le dossier et les modalités pratiques de cette consultation (lieu, horaire,…) ;
  • la possibilité de faire valoir ses moyens de défense par écrit.

Afin de s’assurer de la bonne réception de cette convocation, il est conseillé de la transmettre par courrier recommandé à la poste ou de la remettre de la main à la main contre accusé de réception.  

2. Le travailleur ne se présente pas à l’audition préalable, que se passe-t-il ?  

Si le travailleur est absent à l’audition et qu’aucune raison valable ne permet de justifier cette absence, il est conseillé de rédiger un procès-verbal de non-comparution. La procédure de licenciement peut suivre son cours.

Si le travailleur a manifesté sa volonté de ne pas être entendu, un procès-verbal de renonciation est alors dressé et la procédure peut être poursuivie.

Dans ces deux cas, le travailleur ne pourrait plus invoqué, par la suite, une violation de son droit à être entendu.  

3. Le travailleur ou le défenseur indique qu’il n’est pas disponible à la date fixée pour l’audition préalable, que faire ?

Si  le travailleur peut démontrer son indisponibilité à la date proposée, l’audition doit être reportée. Il est généralement recommandé d’accepter au minimum un report.

L’audition ne peut cependant pas être reportée indéfiniment, au risque de bloquer le bon fonctionnement du service public. Si malgré le(s) report(s), le travailleur se trouve toujours dans l’impossibilité de se présenter à l’audition, il est conseillé de lui indiquer qu’il peut faire valoir ses observations par écrit ou qu’il peut se faire représenter par le défenseur de son choix.  La possibilité de formuler ses observations par écrit est d’ailleurs confirmée par la nouvelle législation.

Si le défenseur du travailleur n’est pas en mesure d’assister le travailleur à la date convenue initialement, il est également conseillé de reporter cette audition. En effet, le travailleur a le droit de se faire assister par le défenseur de son choix et non par un remplaçant qu’il n’a peut-être pas l’occasion de choisir. Dans ce cas, il sera probablement plus pratique de contacter directement le défenseur du travailleur pour convenir rapidement d’une nouvelle date.

4. Le travailleur est en incapacité de travail, qu’en est-il de son audition ?

Il est généralement admis que le fait que le travailleur soit reconnu incapable de travailler n’implique pas forcément qu’il soit reconnu comme étant incapable d’être entendu. L’incapacité de travail du travailleur ne libère donc pas l’employeur public de son obligation d’audition préalable.  Un report de l’audition est à envisager dans un premier temps. Comme déjà évoqué, si malgré le(s) report(s), le travailleur reste dans l’impossibilité de se présenter à l’audition, il peut être invité à faire valoir ses observations par écrit ou se faire représenter par le défenseur de son choix.

Toutefois, si en vertu d’un certificat médical circonstancié, le travailleur est dans l’impossibilité physique ou morale de se présenter à l’audition, une défense écrite ou la représentation par un défenseur de son choix peut directement être envisagée.

5. L’audition préalable doit-elle avoir lieu en cas de motif grave ?

La nouvelle loi exclut du champ d’application les licenciements pour motif grave. Partant, l’employeur n’est pas obligé de procéder à une audition préalable.

Or, la Cour constitutionnelle a confirmé, en 2018, que le principe d’audition préalable s’applique même en cas de licenciement pour motif grave. Cette audition du travailleur doit, en tout cas, être réalisée quand elle permet à l’employeur public d’acquérir une connaissance suffisante des faits et des circonstances qui donnent lieu à ce type de licenciement.

Si l’employeur dispose déjà d’une connaissance suffisante des faits ou des circonstances, notamment parce qu’une audition a été réalisée dans un autre cadre, une nouvelle audition pourrait être considérée par les juridictions du travail comme étant organisée dans le seul but de rattraper artificiellement le dépassement du délai imposé par la procédure du licenciement pour motif grave.  

Dans l’attente de précision de la part du législateur ou de la jurisprudence, il est conseillé de continuer à auditionner préalablement les travailleurs pour lesquels un licenciement pour motif grave est envisagé, pour autant que cette audition permette à l’employeur d’acquérir une connaissance suffisante des faits et circonstances.

6. La personne compétente pour auditionner doit-elle être celle compétente pour licencier ?

Ce n’est pas une obligation. Ce qui importe c’est que la personne compétente pour licencier ait une connaissance certaine du contenu de l’audition. A cet effet, il est conseillé de rédiger un procès-verbal complet à la suite de l’audition (immédiatement ou ultérieurement). L’employeur veillera à faire signer ce procès-verbal par le travailleur.  

Il est important de préciser que lorsqu’un organe collégial compétent pour licencier entend lui-même le travailleur, seuls les membres de cet organe présents lors de l’audition peuvent participer à la prise de décision